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Les WATTS sur le giro 2016, par Frédéric Portoleau

05-06-2016, 14:23 - Frédéric Portoleau

Vicenzo Nibali vient de remporter son deuxième Tour d'Italie. Une victoire acquise sur le fil puisqu'il a pris la tête de l'épreuve la veille de l'arrivée en distançant son dernier adversaire Estaban Chaves.
Le tournant de la course a été incontestablement la chute du maillot rose, le Hollandais Steven Kruijswijk, dans la descente du col Agnel lors de l'étape de Risoul (19ème étape). Diminué par sa chute, isolé sans équipier, il concéda 4min54s à Nibali au sommet de Risoul. Jusque là, Kruijswijk avait accompli un remarquable Giro avec en particulier des performances de haut niveau dans les Dolomites. Steven Kruijswijk n'est pas un inconnu puisqu'il a déjà terminé 7ème du Giro en 2015, en se mettant en évidence dans la montée du Mortirolo. Il fut aussi 15ème du Tour de France en 2014 et 3ème du Tour de Suisse en 2011 avec une belle performance sur la montée de Malbun (40min à 417 watts étalon estimés, 6 w/kg si 66 kg).

Lors d'un grand Tour, la configuration des étapes de montagnes varie. Dans les Dolomites, les coureurs ont eu une longue étape de 6h avec plusieurs cols au dessus de 2000m, un contre-la-montre en côte de 30 min et une étape courte de 3h avec une ascension finale en dessous de 1000m. Pour terminer les 3 semaines de course, 2 autres étapes de montagne dans les Alpes de 4h environ avec des cols au dessus de 2500m étaient proposées. Les durées d'ascension mais aussi la durée de l'étape, le rythme en cours d'étape influencent les puissances développées sur les derniers cols.

Etape 15, Corvara:



Nibali avec son équipe Astana décide de durcir la course lors de grande étape des Dolomites dès le Passo di Giau à 42 km de l'arrivée. Michele Scarponi, impose un rythme très soutenu. Seul une dizaine de coureurs parviennent à tenir sa roue. Le maillot rose, Amador concède déjà 53s dans cette ascension avant de revenir dans la descente. Le groupe des leaders développe une puissance étalon moyenne de 401 watts pendant 33min20s, soit autour de 5,8 w/kg pour la plupart des membres du groupe. Cela représente une puissance assez élevée pour un col à plus de 2000m, situé loin de l'arrivée. Ce col de Giau avait été gravi en 33min54s par le groupe Hesjedal/Rodriguez en 2012.

Dans la dernière ascension, le Valparola par la route du Falzarego, Nibali porte une attaque dès les premiers kilomètres. Mais il est contré un peu plus haut par Chaves et Kruijswijk. Ces deux derniers unissent leur efforts et rattrapent tous les échappés sauf Atapuma qui passe seul en tête au sommet. Nibali seul sur la route derrière dépense beaucoup plus d'énergie. Chaves et Kruijswijk ont développé l'équivalent de 413 watts étalon sur la dernière portion du col (17min55s pour 7 km à 6,78%) tandis que Nibali est 10 watts étalon en dessous avec 30s de perte. Plus loin encore, Valverde et Amador, tous les deux en difficulté à plus de 2000m, sont pointés au sommet 2min40s après Chaves. Leur puissance étalon est de 363 watts seulement. Ils ont probablement mal récupéré de l'ascension assez rapide du col de Giau. Sur l'ensemble du col du Valparola (11,5 km à 5,77%) Chaves et Kruijswijk ont été aussi les plus rapides avec un temps de 26min42s.

Etape 16, Alpe di Siusi :



Un vainqueur d'étape inattendu pour ce contre-la-montre en côte. Foliforov, un jeune Russe de 24 ans, réalise le meilleur temps dans la même seconde que le leader de la course Steven Kruijswijk. Foliforov a terminé très fort son contre-la-montre puisqu'il a repris 39 s au Hollandais sur les 6,5 derniers kilomètres (18min53s, pente moyenne de 8,62%). Sa puissance étalon estimée sur cette fin de montée est de 442 watts étalon (6,4 w/kg si 62 kg). Kruijswijk sur l'ensemble de la montée, réalise le temps de 25min27s (9,1 km à 8,24%), cela représente une puissance étalon de 434 watts (6,25 w/kg si 66 kg). Contrairement à Foliforov, Kruijswijk était à l'avant de la course la veille lors de la longue étape de 6h. Ce chiffre montre ses capacités de récupération... Par comparaison, Contador avait remporté le contre-la-montre en côte du Giro en 2011 à Nevegal avec le même niveau de puissance mais pour une durée plus courte de 20min. Si un coureur a bien récupéré, il doit se situer proche de son record de puissance sur une durée de 30 minutes.

A propos du profil de puissance, le record officiel de Thibault Pinot sur 30 min était de 6,1w/kg en 2013. Je pense qu'au maximum de leur capacités, Froome et Contador pourraient être autour de 6,4/6,5 w/kg sur une effort de cette durée. Lance Armstrong devait être autour de 6,7 w/kg (nombre magique de Michele Ferrari). Ce contre-la-montre a été disputé le lendemain d'une très difficile étape de 6h. Il n'est pas certain que Froome ou Contador auraient fait mieux que Kruijswijk dans les mêmes circonstances. J'ai aussi estimé la puissance de l'Américain Joe Dombrowski. Il a développé l'équivalent de 418 watts étalon (392 watts réels, 6,03 w/kg si 65 kg).

Etape 17, Andalo :



Cette étape courte de 132 km s'est déroulée sur un rythme intense du départ à l'arrivée. Steven Kruijswijk, malgré une faible équipe, a bien résisté aux nombreuses attaques de ses rivaux. Chaves, piégé dans le premier col (Passo Mendola) a abordé la dernière ascension de Paganella avec 44s de retard sur un groupe comprenant en particulier le maillot rose, Nibali, Valverde et Zakarin. Le Colombien réalise le meilleur temps sur cette ascension en 27min29s (10,25 km à 7,37%) mais ne parvient pas à rejoindre le groupe de tête composé de Kruijswijk ,Valverde et Zakarin. Sa puissance moyenne étalon estimée est de 432 watts étalon (6,5 w/kg si il pèse 54 kg). Pour le groupe de tête, j'ai estimée les watts étalon à 422 watts (6,05 w/kg pour Kruijswijk). Nibali, encore distancé de 57s, doit se contenter de 410 watts étalon (5,95 w/kg).

Etape 19, Risoul :



Estaban Chaves hausse le rythme dans l'ascension du col Agnel, le plus haut de ce Giro à 2744m. Valverde peu à son aise au dessus de 2000m est distancé. Chaves, Kruijswijk et Nibali réalisent le meilleur temps en 34min54s sur la portion finale très raide depuis le point d'altitude 1848m (9,05km à 9,85%). La puissance moyenne étalon estimée est de 376 watts étalon soit un rythme assez soutenu pour un col au dessus de 2500m loin de l'arrivée (5,4 w/kg si 70 kg). Au Giro 2007, Simoni, Ricco et Piepoli de l'équipe Sanier Duval avaient escaladé cette portion 2min05s plus vite. Kruijswijk tombe dans la descente et se retrouve isolé sans équipiers. Au pied de la dernière montée de Risoul, La groupe Nibali/Chaves possède 47s d'avance sur le groupe Valverde/Majka et 2min13s sur le groupe Kruijswijk. Le Hollandais, amoindri par sa chute et fatigué par ses nombreux relais, va concéder 2min41s supplémentaires à Nibali vainqueur de l'étape sur la montée de Risoul. L'Italien retrouve un bon niveau et distance Chaves en fin d'ascension. Il développe l'équivalent de 402 watts étalon (5,83 w/kg si 63 kg). L'estimation de puissance est faite sur 11,2 km à 6,9% et en considérant qu'il bénéficiait d'un « drafting » pendant 25% du temps de sa montée. Une fois seul, il réalise une belle fin de montée avec 15min03s (5,4 km à 7,4%) à 419 watts étalon (6,08 w/kg si 63 kg). Chaves se contente de l'équivalent de 386 watts étalon sur l'ensemble de la montée. Enfin, Kruijswijk se situe à 363 watts étalon (5,2 w/kg si 66 kg). Depuis la sortie de Guillestre, Nibali réalise le meilleur temps en 33min36s (12,8 km). C'est 1min46s de plus qu'au Tour de France 2014.

Etape 20, Sant'Anna di Vinadio :



Chaves est maintenant le nouveau leader. Il possède un avantage de 44s sur Nibali, 1min05s sur Kruijswijk et 1min48s sur Valverde. Cette fois-ci, les leaders abordent groupés la dernier grand col du Giro, la Lombarde, à proximité d'Isola 2000. Nibali, après un énorme travail de son coéquipier Michele Scarponi, distance Chaves à proximité du sommet. Comme la veille, il réalise une belle fin d'ascension. En raison du vent en altitude (incertitude plus élevée pour les calculs de puissance), la puissance est estimée jusqu'à Isola 2000. Le groupe des favoris se situe à 382 watts étalon (44min43s pour 15,25 km à 7,44%). Nibali a très certainement développé en puissance étalon une puissance supérieure sur la fin du col. Au sommet, Nibali distance déjà Chaves de 55s. L'écart sera de 1min34s à Sant'Anna di Vinadio à l'arrivée.

Bilan :

Aucun coureur n'est en moyenne à plus de 410 watts étalon sur les 5 ascensions choisies. Kruijswijk et Chaves se situaient pourtant à plus de 420 watts étalon après les 3 étapes des Dolomites. Kruijswijk était à un niveau jamais atteint pour lui lors de sa carrière de coureur cycliste. Le potentiel de Kruijswijk a été très probablement affecté par sa chute et Chaves a fini le Giro un peu fatigué. Nibali a eu deux mauvaises journées, le chrono en côte de l'Alpe di Siusi et l'étape d'Andalo. Il se situait déjà à un très bon niveau sur l'étape de Corvara mais il a probablement eu un problème de récupération les jours suivants. Dans de nombreux médias, le terme de résurrection a été employé pour qualifier la victoire de Nibali... Il a produit deux belles accélération à Risoul et au col de la Lombarde. Cependant, au niveau des puissances développées on ne peux pas vraiment quantifier une progression de Nibali sur la fin du Giro. Sans sa chute, Kruijswijk aurait très certainement remporté le Giro.

Il y a eu une course de mouvement sur 3 étapes de montagne de ce Tour d'Italie (Corvara, Andalo et Risoul). La probabilité de course de côte où tout se joue dans la dernière ascension reste plus forte au Tour de France en raison de la densité du niveau. La présence aussi d'une équipe de type « rouleau-compresseur » comme l'US Postal dans le passé favorise aussi les courses de côte. D'autre part, il est important pour un leader d'avoir des équipiers complets qui puissent rouler fort dans les vallées entre les cols afin de rétablir des situations compromises. On l'a vu pour Kruijswijk lors de l'étape de Risoul.

Frédéric Portoleau