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Les Watts sur le Tour de France 2016, par Frédéric Portoleau

2016-07-28, 15:04 - Frédéric Portoleau

Christopher Froome vient de remporter son troisième Tour de France. Il n'y a pas eu de suspense malgré des écarts assez minces au classement général après les 3 étapes pyrénéennes. Froome a pris les commandes de la course dès le huitième jour à Luchon. Son équipe Sky, très forte, a part la suite verrouillé toute la course. Froome a creusé l'écart sur ses principaux concurrents lors des deux contre-la-montre, puis le « train Sky » a fait le reste en décourageant les attaques des coureurs bien placés au classement général. Seul Romain Bardet a pu échapper à leur contrôle dans la descente de Domancy sous la pluie pour l'emporter au sommet du Bettex. Romain Bardet, deuxième, réalise son meilleur Tour de France en 4 participations. Le Tour 2016 était aussi marqué par la grande difficulté du parcours avec 8 étapes de montagne.

Les Pyrénées:



Nous avons assisté à une course d'attente entre les favoris sur les trois étapes des Pyrénées. Le col d'Aspin a été gravi « au train Sky » lors de l'étape de Payolle. Puis la course entre les leaders s'est emballée sur les deux derniers kilomètres de Peyresourde sur la route de Luchon et sur les 6 derniers kilomètres d'Arcalis. Ajoutons aussi un début d'étape très rapide au col de la Bonaigua sur l'étape d'Andorre, avec une attaque de Contador et de Valverde. Froome a surpris ses rivaux au sommet de Peyresourde pour l'emporter à Luchon après une descente spectaculaire en position acrobatique. L'Anglais a produit quelques accélérations sur la fin de la montée d'Arcalis mais il a semblé se relever dès que Quintana revenait dans sa roue.

Les chiffres de puissance estimées montrent qu'il n'y a pas eu de performances hors du commun dans les Pyrénées. Froome, Quintana et Porte ont développé l'équivalent de 410 watts étalon en moyenne sur le dernier col avec un maximum de 416 watts étalon à Arcalis. Les records respectifs de Pantani et d'Ullrich sur les montées de Peyresourde et d'Arcalis n'ont pas été approchés.

Mont Ventoux et Bugey:



Le fameux incident de de course (moto bloquée à 1 km de l'arrivée) a marqué l'étape du Mont Ventoux, amputée de la partie finale après le chalet Reynard. Nous avons assisté à la première véritable attaque prolongée dans le temps. Froome, Porte et la surprise Mollema ont distancé les autres postulants au classement général. Ils ont développé en moyenne l'équivalent de 433 watts étalon (+/- 5% en raison du vent) pendant 25min40s. La puissance est évaluée entre le virage de Saint Estève et le point d'altitude 1317m avant l'incident de course.

Au cours de l'étape du massif du Bugey, la deuxième ascension du Grand Colombier n'a pas permis la sélection attendue. Le sommet du Grand Colombier a pourtant été franchi sur un rythme très soutenu pour un col en cours d'étape à 385 watts étalon (train « Astana » cette fois-ci). Mais le coéquipier de Froome, Poels, avec l'équivalent de 429 watts étalon en tête du groupe des favoris, a asphyxié toute la concurrence sur le dernier col.

Les Alpes:



En troisième semaine, les coureurs du Tour de France devaient affronter 4 étapes consécutives dans le massif Alpin, en incluant le contre-la-montre en côte de Megève. Contrairement aux Pyrénées, les leaders ont cette fois-ci vraiment lâché les chevaux. Porte et Froome tout d'abord sur la montée d'Emosson avec l'équivalent de 435 watts étalon pendant 30 minutes sous la chaleur. Cette ascension suivait immédiatement celle de la Forclaz escaladée rapidement à l'équivalent de 404 watts étalon. La performance de Porte et de Froome est exceptionnelle. Deux jours plus tard, c'est le Français Romain Bardet qui nous gratifie d'une grande performance avec l'équivalent de 444 watts étalon pendant 27min40s sur la montée du Bettex. Lors de la dernière étape de montagne, le col de Joux-Plane n'a pas été gravi très rapidement sous la pluie. Les meilleurs coureurs au classement général ont sans doute préféré assurer leur position.

Bilan des performances :



Cette année, il y a 9 coureurs avec des puissances moyennes au delà de 410 étalon sur le dernier col des étapes de montagne (de 5,85 w/kg à 6w/kg suivant les gabarits). C'est le niveau d'ensemble le plus impressionnant depuis la mise en place du passeport biologique en 2010. Compte tenu de l'incertitude de mesure et de l'influence des durées d'ascension (28min seulement cette année), on peut juste dire que le niveau se stabilise et se densifie.

Les performances maximales restent moins élevées que sous l'ère Armstrong. Le niveau réel de Chris Froome ne peut pas être déterminé avec précision. En effet, le vainqueur du Tour s'est contenté de suivre ses concurrents lors des étapes de montagne. Par rapport au résultat du contre-la-montre en côte de Megève, on peut penser qu'il avait les jambes pour aller plus vite lors de certaines ascensions.
Les plus fortes progressions sont celles de Romain Bardet, Richie Porte (moyenne sur l'ensemble d'un grand tour) et des nouveaux venus dans le très haut niveau du cyclisme (Yates, Meintjes).

La domination de Froome et de son équipe Sky pourrait se poursuivre encore quelques années. Contador et Nibali sont en fin de carrière. Quintana reste surtout un grimpeur, limité en contre-la-montre plat. Les petits gabarits souffrent aussi dans les étapes de plaine ventées et y laissent des plumes.

Evolution de la puissance étalon moyenne et maximale des vainqueurs du Tour de France:



Profils de puissance :

Le profil de puissance peut mettre en avant plus précisément le niveau des performances des coureurs. Analysons de plus près les performances de Chris Froome et de Romain Bardet. La série de données contient 31 cols pour Bardet entre 2013 et 2016 et 64 pour Froome de 2008 à 2016, tous en fin d'étape de montagne.





Les performances d'Emosson et surtout du Bettex apparaissent clairement au dessus du profil habituel de Romain Bardet. Ces mêmes performances sont conformes à ce que Froome est capable de réaliser depuis 2011. Rappelons également que Bardet se situait à 399 watts étalon au Tour 2014 sur les derniers cols des étapes de montagne. A cette époque, il avait droit à moins de protection par son équipe que cette année, car le leader était Jean-Christophe Péraud. De plus la durée d'ascension moyenne était de 38min, contre 28min en 2016. Les altitudes moyennes sont similaires entre les deux éditions, mais le Tour 2016 est plus montagneux qu'en 2014 avec 8 étapes de montagne.
Cela semble logique de progresser entre 24 et 26 ans, mais le plus surprenant reste sa performance du Bettex en troisième semaine du Tour de France.
Bardet a franchi un cap sur ce Tour de France. Même au Dauphiné 2016, il ne donnait pas signe d'une telle condition physique. A Vaujany par exemple, il développe la même puissance qu'au Bettex mais sur une durée de 12 minutes 35s au lieu de 27min40s.

A titre de comparaison, voici le profil de puissance publié par Thibaut Pinot. Sur ce graphique, vous pouvez retrouver en rouge les valeurs issues de la publication de 2012-2013, et en bleu mes estimations.



Enfin, si vous souhaitez plus d'explications sur les incertitudes mathématiques des estimations de puissance, c'est ici.
Pour ce Tour 2016 les incertitudes pour les puissances étalon sont entre 2,5% (Joux Plane) et 5% (Mont Ventoux). Dans le cas du Ventoux, nous avons utilisé des valeurs issues de capteurs de puissance de coureurs pour déterminer l'influence du vent (favorable).

Frédéric Portoleau