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« Nibali, dernier "surhumain" avec ses 417 watts », par Antoine Vayer

2014-07-25, 19:04 - Antoine Vayer

http://www.lemonde.fr/tour-de-france/article/2014/07/25/nibali-dernier-surhumain-avec-ses-417-watts_4462718_1616918.html
4e article de la chronique d'Antoine Vayer sur le Tour 2014 pour Le Monde, publié le 25/07/2014, après l'étape d'Hautacam :



« Je vais dire à ceux qui ne croient pas au cyclisme, aux cyniques et aux sceptiques que je suis désolé pour vous. Désolé que vous ne croyiez pas aux miracles. » Sur le podium des Champs-Elysées, ce 24 juillet 2005, Lance Armstrong règle ses comptes, en public, après son septième Tour victorieux. Huit ans plus tard, dans un restaurant près de l'Arc de triomphe, l'Américain, dépossédé de ses maillots jaunes, nous confie que ces mots nous étaient destinés. Depuis son premier succès en 1999, nous expliquions dans ces colonnes que ses performances, flashées à plus de 430 watts de moyenne dans les cols radars du Tour pouvaient être qualifiées de « miraculeuses ». Entre 410 et 430 watts, on peut parler de performances « suspectes », que d'autres qualifient de « dopage avéré ». En dessous de 410 watts, on est dans l'ordre de l'« humain ».

Cela ne signifie pas qu'un coureur ne se dope pas : Armstrong a gagné, en 1999, en développant seulement 406 watts, et son compatriote Floyd Landis, en 2006, avec 395 watts avant d'être déclaré positif à la testostérone. Mais cela permet, cette année, à des coureurs comme Jean-Christophe Péraud, 37 ans, tel un bon vin cultivé sans trop de sulfites, de terminer enfin le Tour sur le podium à 407 watts de moyenne. Comme le (Thibaut) Pinot, 24 ans d'âge, ce sont des crus exceptionnels censés ne pas être frelatés. Ce Tour 2014 est un mélange de coureurs qui, apparemment, ne trichent pas et d'autres qui ont pu le faire. Des coureurs comme Frank Schleck ou Rui Costa, habitués à pousser des 420 watts dans les cols, sont descendus cette année sous les 380 watts. Défaillants. Sauf un, Vincenzo Nibali.



LES HABITUDES ET LES CLASSEMENTS CHAMBOULÉS

Des coureurs comme Romain Bardet (5e) ou l'Américain Tejay Van Garderen (6e) ont pu se révéler en s'approchant des 410 watts. Les vases communiquent, les classements et habitudes sont chamboulés. Dans le radar n° 3, le port de Balès (11,8km à 7,8 %), abordé à fond par les équipiers d'Alejandro Valverde, Pinot, avec 417 watts, en 32 min 52 sec, a battu le record de Contador – dopé au clenbutérol – de 2010 de plus d'une minute. Inquiétant. Mais le lendemain, dans le 4e radar, le Pla d'Adet (10,3km à 8,2 %), la fatigue a commencé à se faire sentir pour tout le monde. Sauf pour Nibali. Le coureur italien, avec 411 watts, sans masque de douleur ni déhanchement, a laissé une deuxième fois gagner le Polonais Rafal Majka. Le 5e et dernier radar du Tour, Hautacam (13,45km à 7,8 %), jeudi 24 juillet, était précédé du col du Tourmalet. Le peloton l'a franchi en 42 min 40 sec, à 5 min 30 sec du record du mutant Bjarne Riis en 1995. Rassurant. La fatigue s'installait. Sauf pour Nibali. Le « requin de Messine » s'est lâché pour une 4e victoire d'étape. Il est le seul surhomme, dans Hautacam, à être descendu sous les 38 minutes (37 min 25), à 428 watts.



Le maillot jaune 2014 reste loin de l'indécent record de Riis (479 watts en 34 mn 35 sec) en 1996. Mais cinq secondes de mieux que celui de son compatriote Leonardo Piepoli qui gagnait Hautacam, en 2008, sur une étape identique, avant de se faire exclure du Tour pour abus d'EPO. Cette année-là, Nibali terminait à 3 min 40 de Piepoli en haut de Hautacam. Vincent Lavenu, manageur d'AG2R, l'équipe de Péraud et Bardet, a dirigé une équipe (Casino) aux performances « miraculeuses » lors du Tour 1998.



Marc Madiot, éternel manageur de la FDJ, l'équipe de Pinot, a, lui, été qualifié de « miraculé du procès Festina ». Tous deux ont compris l'intérêt de s'entourer de coureurs comme Péraud, Bardet et Pinot. Pas d'un Nibali. Pas sûr qu'Alexandre Vinokourov, flashé à 429 watts en terminant du 3e du Tour 2003 et aujourd'hui mentor de Nibali, ait les mêmes convictions. Avec 417 watts de moyenne, l'Italien fait plus fort que Christopher Froome qui avait pourtant écrasé le Tour 2013 avec ses 412 watts. Son dauphin sur le podium, dimanche, aux Champs-Elysées, pointera à plus de sept minutes. Il faut remonter au Tour 2002 d'Armstrong pour retrouver pareil écart. Des raisons de continuer à être « sceptiques ».