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[TdF21#19] « De juillet à doute »

16-07-2021, 10:27 - Antoine Vayer et Pierre Ballester

J'ai rencontré Pierre Ballester au prologue de Paris-Nice 1999. Il travaillait pour le journal L'équipe (voir sa bio). En deux regards et trois phrases échangées, j'ai vu qu'il possédait ce qui fait tant défaut à ce milieu : l'humour, l'esprit, l'ouverture et une caractéristique majeure, l'intelligence désintéressée. Elle fait défaut à tant de personnes de la mafia du vélo, avec quelques bandits dangereux, qui se reposent tous sur son omerta et sa camora, son endogamie, son népotisme, son entre-soi. Depuis, nous sommes amis. NORMAL donc qu'il fasse partie des contributeurs pour #TeamWattthefuck. Tant de personnes confondent l'ennui du Tour pour du sérieux et ce sérieux pour de la gravité. L'humour est la chose la plus sérieuse qui soit, lors même que ceux qui se prennent trop au sérieux avec ce sport devenu si dérisoire tant les tricheurs ont la main, nous font rire et nous font peur. Le Tour 2021 est tout, sauf sérieux, encore une fois.

Antoine Vayer.

« De juillet à doute »

On va devoir vivre avec le virus. Les autorités scientifiques ont déjà préparé le terrain. La quatrième vague nous attend au retour des vacances, au détour de l'automne. Elle est censée être moins houleuse. Mais au pays où les prévisions - météorologique, économique, politique - ne sont pas un point fort, qui peut se hasarder à évoquer l'avenir ? Nos fameux experts pourraient-ils raisonnablement communiquer sur leurs propres doutes au lieu d'expédier des avis déjoués par les éléments ?

Le corona a fait des petits. On les appelle des variants. Certains sont devenus plus gros que lui. Pour ne plus stigmatiser les pays souches, on leur a attribué des lettres grecques. Le Delta plane. D'autres piqueront du nez une fois dompté.

Le Tour a pris un temps d'avance. Il vit avec un virus depuis bien plus longtemps. Celui-là est différent. Sa souche est anglaise - on l'appelait doping. Ses variants se sont propagés au fil des ans et des efforts. D'amphétamines, il est passé à hormone de croissance, à érythropoïétine, à transfusion sanguine, à assistance technologique, en attendant la prochaine trouvaille...

L'alphabet grec fut bien vite saturé ; le poison contagieux. Stéphane Huby (cyclisme-dopage.com) avait réalisé un travail monstrueux dans un livre* paru en 2008 : Lors des 40 premières années suivant l'apparition des contrôles antidopage sur le Tour (1966), 34% des participants avaient contrevenu à la réglementation antidopage ; la stat montait à 60% pour les dix premiers ; à 72% pour les trois premiers ; à 85% pour le vainqueur. (Tour de France : les vrais chiffres du dopage)

Comme il n'y avait pas de vaccin, on a collé des pansements : la lutte antidopage, les opérations de prévention, les messages rassurants. Mais le poison a cheminé, pour fabriquer un monstre incontrôlable que les contrôles ne contrôlent plus.

Alors, comme les pansements ne couvraient plus les plaies, on a trouvé plus moderne : la communication, la désinformation, le mutisme, les contrôles négatifs, le passé révolu. Il n'y a plus de dopage pour les dirigeants du Tour. Ou alors il est un acte isolé, ou le fait d'un gros béta, comme le Béta de l'alphabet grec. Ou bien encore on l'esquive. C'est plus commode, facile, arrangeant. Regardez donc plutôt cette belle abbaye cistercienne ou cette rigolote voiture Cochonou.



A ne pas s'y attaquer, le dopage a répliqué. Ce malin s'est insinué dans les veines de l'épreuve. A lui aussi opéré sa mutation. Le dernier variant s'appelle doute et il a la vie dure. Depuis Lance Armstrong, pas une année sans que la suspicion plane comme un vautour au-dessus de son vainqueur. Le dernier en date est slovène, bouille de premier communicant. À Andorre-La-Vieille, lors du dernier jour de repos avant d'attaquer la dernière semaine, Tadej Pogacar le surhomme admettait son impuissance : s'il écrasait la concurrence, impossible pour lui d'écraser la méfiance. Le passé du cyclisme dira-t-il. Il oublia en chemin le passif de quelques-uns de ses propres dirigeants d'équipe, celui du cyclisme slovène comme le révéla Le Monde en 2019. Pogacar qui a maté tant de profils hauts faisait profil bas. Il portait sur les épaules le maillot jaune et le semi-remorque des points d'interrogation qui s'alourdit de juillet en juillet. On ne trouve rien ? Ils l'ont bien cherché.

Car si le doute, comme le dopage, n'impacte pas outre mesure le business (ouf), l'Audimat (ah !), le caravane circus (youpi) ou la France du Tour (wouah), il rôde dans les esprits. Il est pervers, malsain, permanent. Il a supplanté le contrôle positif, la perquisition, le trafic démantelé, les (rares) aveux, la preuve par neuf. Le doute lancinant a germé, a bourgeonné, au point de ne plus pouvoir s'en débarrasser. A l'instar d'un virus, il s'est installé. Et sûrement pour longtemps.

* Tempêtes sur le Tour (Ed. du Rocher)

Pierre Ballester

Qui est Pierre Ballester ?

Pierre Ballester est un journaliste. Son cheval de bataille a été la lutte contre le dopage dans le milieu sportif. Correspondant permanent à Londres pour l'Agence France-Presse entre 1985 et 1987, Pierre Ballester entre au quotidien Le Sport en 1988, puis rejoint le journal L'Équipe, en qualité de Grand Reporter, de 1989 à 2001.

Il a couvert dix Tours de France et obtenu le prix Antoine Blondin en 1994, récompensant le meilleur article de cyclisme.

À partir de 1998, il se consacre principalement aux enquêtes sur le dopage. Ses articles dérangent au sein de la rédaction du quotidien sportif français. En 2001, il est le nègre de Willy Voet pour le livre Massacre à la chaîne (ed. Calmann-Lévy) qui révéla les dessous du cyclisme et déclencha une polémique. Puis celui de Bruno Roussel Tour de Vices (ed. Hachette Littératures), de Jérôme Chiotti De mon plein gré (ed. Calmann-Lévy) et de Philippe Boyer Champion, flic et voyou (Ed. La Martinière). L'ensemble lui permet d'avoir une lecture globale des coulisses du cyclisme. Il est licencié par son employeur, L'Équipe, pour s'être contenté d'un accord verbal pour coécrire De mon plein gré et d'avoir voulu mettre au jour les pratiques douteuses et conniventes de certains de ses « confrères ». Depuis, il donne des cours au Centre de Formation des Journalistes, a relancé le mensuel de la Fédération française de rugby, et continue à écrire sur le dopage. L.A. Confidentiel (ed. La Martinière), enquête très fouillée réalisée avec David Walsh sur le champion cycliste Lance Armstrong, est un succès de librairie, récompensé par le prix Gondecourt, en 2004. Une suite lui est donnée en 2006 sous le titre L.A. Officiel.

Il est également l'auteur de La France du rugby (2006, ed. Panama) qui est un tour de France du rugby amateur. Début 2012, il publie avec Marc Lièvremont Cadrages & débordements (La Martinière) dans lequel l'ancien sélectionneur du XV de France revient notamment sur le parcours accidenté des Bleus lors de la Coupe du monde 2011.

Oeuvres

  • Rugby à charges, l'enquête choc - Éditions de La Martinière - 2015
  • Fin de cycle - Autopsie d'un système corrompu - Éditions de La Martinière - 2013
  • L'amazone - A la recherche de la femme au bord de paupière noir - Éditions de la Martinière - 2013
  • Le sale Tour coécrit avec David Walsh - Seuil - 2009
  • Tempêtes sur le Tour - Éditions du Rocher - 2008
  • L.A. Officiel coécrit avec David Walsh - Éditions de La Martinière - 2006
  • La France du rugby - Éditions Panama - 2006
  • L.A. Confidentiel - Les secrets de Lance Armstrong coécrit avec David Walsh