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« Comme prévu » - Antoine Vayer & Frédéric Portoleau & Espé
01-07-2022, 20:42 - Antoine Vayer et Frédéric Portoleau
A Copenhague, il n'était pas prévu que la route sèche et permette à la tête brûlée, le Belge Yves Lampaert, de revêtir le maillot jaune pour battre tous les favoris partis avant lui sous la pluie. Il a récemment été disqualifié pour comportement dangereux de son tour national. Il n'a pas eu à jouer des coudes pour empêcher ses adversaires de passer cette fois. Son médecin, le docteur Van Mol, doit être fier de son calme retrouvé.
En revanche, comme prévu, sous le déluge, un duel de gros rouleurs a eu lieu. Wout Van Aert, 1m90, 78 kilos a battu le champion du monde de la discipline contre-la-montre Filippo Ganna, 25 ans, 1m93, 82 kilos qui a terminé « seulement » 4ème à 10 secondes de Lampaert. Wout a fini 2ème du prologue de 13,2 km en 15'22'' à 51,523 km/h avec plus de 500 watts sous le capot. Ganna a conquis l'or de la poursuite olympique sur piste l'été dernier en menant son équipe nationale italienne à plus de 60 km/h devant le Danemark, nation émergente du vélo. Wout a été plus fort que lui sur le bitume mouillé. Sa roue arrière n'a pas dérapé cette fois comme elle le fit en cyclo-cross. Il a pédalé sans assistance électrique, normalement.
Comme prévu, les autorités ne peuvent donner une assurance totale de la probité des coureurs et de leur matériel. Ils doutent eux aussi de certaines performances. Fortement.
Comme prévu, Van Aert a fait l'impasse le week-end précédant le Tour sur son championnat national de Belgique en prétextant « un mal de genou ». Avant, quand les coureurs se dopaient, ils faisaient cette incroyable coupure qui n'a pas de sens, sinon pour tricher. Cela permettait, par exemple, de rallonger une cure de produits anabolisants dont les effets « tenaient » tout le Tour, d'oxygéner le corps par de l'EPO ou une recharge de sang, hors fenêtre de détection, et de s'offrir une autorisation à usage thérapeutique de corticoïdes. C'était avant, il paraît.
Comme prévu, l'Italien Ganna n'a pas gagné son 20ème contre-la-montre de sa jeune carrière. Il est pourtant quasi imbattable dans la discipline, aussi sur route, si le parcours est plat comme à Copenhague. Les jeux Olympiques au parcours accidenté à Tokyo l'été dernier lui ont échappé. Roglic, qui revenait de blessure était mieux « préparé », comme Van Aert, pour le titre l'an passé.
Comme prévu ce Slovène, un grimpeur de 1m77 pour 65 kilos, ex-spécialiste de saut à skis, n'a perdu que 11 secondes sur Van Aert. Comme prévu son compatriote voisin Pogastrong, 1m76 pour 66 kilos, a fait encore mieux en ne terminant qu'à deux secondes du Belge. Il est déjà 3ème au classement général avec une avance sympa sur tous les prétendants à la tunique d'or. Il a lui aussi fait l'impasse sur son championnat national et portait des « tapes » aux bras pour montrer qu'il a une tendinite, peut-être. Il est prêt. Cela va tenir trois semaines.
Comme prévu, de fait, la Grande Boucle 2022, sauf accident comme une descente de police inopinée, se résumera à un Tour de Slovénie.
« Haut les mains »
Sur le papier, haut les mains, ils vont encore terminer 1er et 2ème. C'est un si petit pays la Slovénie : 20273 km². Il est pourtant le centre de toutes les attentions. Les Sloveines sont partout. Ils sont ciblés par la police comme l'ont montré les nouvelles perquisitions de l'équipe du Barhein qui compte dans ses rangs pas mal de ressortissants coureurs, comme Mohoric vainqueur de deux étapes du Tour l'an passé et de Milan-San-Remo cette année. Ils sont aussi très présents dans les encadrements.Imagine-t-on la Bretagne 27208 km², amputée de l'Ille et Villaine (6775 m²), avec les finistériens Gaudu et Madouas n°1 et 2 mondiaux depuis quatre ans, gagnant presque tous les Grands Tours et épreuves WorldTour à étapes satellites ? Imagine-t-on le finistérien Le Gac, Bonnamour le costarmoricain et Barguil le morbihannais raflant le reste comme les classiques, tous encadrés par des Bretons managers et soigneurs spécialistes du ver marin, le lombric buzuk, dont l'hémoglobine appelé arénicole, présente l'avantage d'être compatible avec tous les groupes sanguins ?
Cela jaserait à Landerneau.
Non, comme prévu les coureurs français vertueux (j'ai vérifié cette vertu moi-même plutôt que de me fier aux autorités) ont déjà perdu beaucoup de temps sur Pogastrong. Bardet a lâché 38 secondes. Gaudu 43 secondes. Guillaume Martin, meilleur français du Tour en 2021 (8ème à 15 33'' de Pogastrong) 56 secondes. Barguil une minute et 5 secondes. Pinot une minute et 16 secondes. C'est déjà abyssal.Comme prévu, à part dans une échappée bidon, ils ne pourront jamais rattraper « à la pédale » ce temps perdu sur les grands favoris de ce tout petit pays. Nulle part, encore moins dans les cols.
Comme prévu, la montagne va être le grand révélateur du dopage et de la fraude technologique. Les pentes nous permettent de calculer facilement les performances en watts, quand elles ne sont pas directement fournies par les coureurs et leur compteur embarqué mais vérifiées par nos soins. On sait ainsi si elles sont trop grandes pour être honnêtes. Nos profils de puissance sont plus fiables que le suivi biologique officiel sanguin et urinaire qui ne sert à rien pour débusquer les bandits et leur entourage malhonnête.
« Pogastrong »
Ainsi, en vérifiant l'historique, en performance maximale, des coureurs comme Romain Bardet ou Thibaut Pinot, en grande forme n'ont jamais réussi à vraiment passer en zone suspecte comme définie dans nos prédictions. Parfois ils l'ont frôlée comme Bardet au Bettex en 2016. Par contre Bernal, absent cette année et Roglic ont été jugés trop forts, trop souvent, jamais fatigués, jamais défaillants. Simon Yates, Almeida, Hindley, Quintana (Ventoux) ont déjà franchi ces limites du raisonnable. L'Ukrainien Padun aussi une fois à La Plagne tout comme le russe Vlasov en Romandie cette année. Comme prévu, la 3ème place du podium de ce Tour de France 2022 est promise à ce dernier. Il sera néanmoins en lutte avec le Danois Vingegaard pour cet accessit, capable pendant 35 minutes de développer 6.35 watts/kilo, 434 watts Etalon comme au dernier Dauphiné dans le radar de la montée de Solaison.Comme prévu, le plus fort et le plus « NOTNORMAL » de tous reste Pogastrong. Normalement, il ne doit pas battre le record d'ascension délirant du mutant Pantani de la montée de l'Alpe d'Huez en dégageant une puissance de plus de 468 Watts Etalon en moins de 36'50''. Il a déjà quasiment battu tous ceux d'Armstrong ces dernières années. C'est suffisant. Il n'aura sans doute pas besoin de se lâcher, il se sait surveillé. Comme Lance, il va assommer le Tour avant le Radar 4 puis gérer son avance, comme prévu, comme aujourd'hui, quitte à lâcher du lest ensuite. Il permettra, qui sait, la victoire d'un français échappé et non dangereux pour le classement général le 14 juillet à Huez, comme Pinot ou Bardet. Cela le rendrait sympathique. C'est dans les plans.
Comme prévu, nous avons installé avec Frédéric Portoleau ce que nous appelons nos radars : des cols de plus de 20 minutes d'ascension en fin d'étapes dures qui vont flasher ou pas. Ils sont au nombre de sept avec en plus une montée bonus courte. Vous pourrez chronométrer et calculer avec nous pour voir si la puissance fournie est « NORMAL », humaine, ou « NOTNORMAL » avec trois degrés : suspect, miraculeux ou mutant.
Comme prévu, ceux qui trichent vont voler les lauriers du Tour de France et seront couverts par tous ceux qui mangent dans la gamelle. Ils sont nombreux. La plupart des (télé)spectateurs ne veulent pas le voir, ne veulent rien savoir des dérives. Certains si, qui espèrent néanmoins qu'un sportif honnête gagne. Nous oui, on aimerait bien.
Comme prévu, on peut prédire les scénarios du cyclisme sur le Tour de France, cet ancien sport devenu un spectacle. Et ce, à quelques secondes près, à quelques watts près.
Prédictions sur les performances des principales ascensions du Tour 2022, sept radars et une montée bonus :
Les prédictions des meilleurs temps se basent sur les estimations de puissance des meilleurs grimpeurs depuis 2020. Le scénario choisi est un rythme intense imprimé par des équipiers, parfois aussi forts que leurs leaders, sur une bonne première partie de la montée, puis les têtes d'affiche attaquent et produisent un effort maximal dans les dernières pentes.RADAR n°1, 7ème étape, Planche des Belles Filles
La « Super Planche des Belles Filles », dans le massif des Vosges sera la première opportunité pour les grimpeurs. On est chez Thibaut Pinot qui sera acclamé. Son profil de puissance est cohérent sur toute sa carrière. C'est un athlète « Normal » au talent exceptionnel qui veut se mettre au service de David Gaudu. Il y a 7km à 8,77% de pente moyenne avec deux passages raides à 20% et 24% dans les deux derniers kilomètres.En cas d'effort maximal d'un grand leader à la suite d'une attaque à mi-pente, on pourrait avoir un temps d'ascension de 19min22sec. Cela correspond à 475 watts étalon (6,8 w/kg si 70 kg). En revanche, si aucune équipe ne mène sur un rythme élevé en bas de la pente puis si la course reste tactique, le temps d'ascension dépassera les 20min. En 2019, les favoris du Tour de France (Thomas, Pinot, Alaphilippe) avaient grimpé cette super Planche des Belles Filles en 20min02sec. Le profil de l'étape était plus vallonné que cette année.
RADAR n°2, 9ème étape, Pas de Morgins
Le Pas de Morgins, 12,3 km à 6,95%, sera escaladé à moins de dix kilomètres de l'arrivée, située à Châtel en Haute Savoie. Le temps d'ascension peut être compris entre 29min45sec (455 watts étalon, 6,5 w/kg si 70 kg) et 31min40sec (410 watts étalon, 5,85 w/kg si 70 kg) en fonction de l'intensité de la course. La probabilité d'attaque de leaders juste avant les deux grandes étapes des Alpes (Granon et Alpe d'Huez) reste faible. La montagne accouche parfois d'une souris, dit-on, ou d'un rat de laboratoire dans certaines occasions.RADAR n°3, 11ème étape, Col de Granon
Le terrible col de Granon, 11,4 km à 9,14%, sera escaladé après l'enchaînement Télégraphe/Galibier. Il n'y aura pas beaucoup de vallée avant d'attaquer ce Granon. L'altitude, 2404m au sommet, va diminuer la puissance disponible. C'est le seul radar de haute altitude cette année. On vante ici les performances des Colombiens censés être habitués à l'hypoxie. Mais comme tout le monde s'entraîne désormais en altitude pendant des stages toute l'année...En cas d'attaque loin du sommet de la part d'un grand favori du Tour, le temps d'ascension pourrait être de 35min45sec (425 watts étalon, 6,05 w/kg si 70 kg). Si la course n'est pas intense sur le dernier col, le meilleur temps pourrait être de 39min20sec (380 watts étalon, 5,4 w/kg si 70 kg). La montée du Granon peut être relativement lente en cas de dépense énergétique élevée en début d'étape, rythme intense dans le Galibier, plus mauvais temps par exemple. Mais certains ne ressentent pas la fatigue. Nous constaterons. Le Granon n'a été escaladé qu'une seule fois dans l'histoire du Tour de France, en 1986. Urs Zimmermann et Greg LeMond avait gravi les 11,4 km en 41min10sec équipés de vélos à moins bon rendement qu'aujourd'hui et pesant deux kilogrammes de plus environ. La performance de 1986 sera améliorée, c'est une certitude.
RADAR n°4, 12ème étape, Alpe d'Huez
La montée mythique de l'Alpe d'Huez sera escaladée après le Galibier et la Croix de Fer. Le meilleur temps pourrait être de 37min56sec en cas d'effort maximal d'un grand favori du Tour comme Pogacar poussé un peu dans ses retranchements. La puissance estimée serait de 445 watts étalon soit 6,35 w/kg si 70 kg. Avec une course tactique ou des coureurs fatigués par le début d'étape, le temps d'ascension pourrait dépasser les 41min (moins de 410 watts étalon). Pantani détient la meilleure marque de tous les temps sur l'Alpe d'Huez avec 36min50sec en 1995. Ce niveau de performance mutant de 468 watts étalon et plus de 7 w/kg n'est pas envisageable aujourd'hui... on l'espère. En revanche, la performance de Lance Armstrong surdopé de 38min en 2001 à la fin d'une longue étape de montagne peut être battue. En 2004, Armstrong a réalisé un temps de 37min36sec, mais pour un contre-la-montre sans cols (en 1986) pour en fatiguer... certains.RADAR montée bonus, 14ème étape, Mende
Les coureurs graviront la Croix Neuve (3,05 km à 10,23%) après 186 km sur les routes vallonnées du massif central. En cas d'effort maximal on peut s'attendre à un temps de montée de 9min08sec (500 watts étalon et 7,15 w/kg si 70 kg). En cas de course tactique et pas trop intense, le temps d'ascension serait vers 10min (450 watts étalon et 6,4 w/kg si 70 kg).La performance de Primoz Roglic (9min10sec en 2018) pourrait être légèrement améliorée alors que celle de Pantani (8min50sec +/-5 sec en 1995) ne le sera pas, sauf miracle, bien entendu. Pogacar touché par la grâce peut-être dans la « montée Jalabert » ? Tout un programme, tout un symbole.
RADAR n°5, 16ème étape, Mur de Peguère
Il restera 27 km au sommet du Mur de Péguère pour rejoindre Foix, terme de l'étape. L'ascension est en deux parties distinctes : roulante jusqu'au col des Caougnous puis à 11,86% de pente moyenne pendant 3,6 km.Le meilleur temps pourrait se situer vers 25min35sec (440 watts étalon et 6,3 w/kg si 70 kg) en cas de rythme intense dès le pied et avec des attaques de favoris du Tour dans la partie finale. En cas de col « escamoté », le meilleur temps serait de 27min45sec (400 watts étalon et 5,7 w/kg si 70 kg). Sur cette montée, les puissances développées resteront inférieures à d'autres cols de même durée. En effet, il est assez loin de l'arrivée et dans la première partie les leaders, abrités dans les roues des leurs équipiers, ne développeront pas de fortes puissances avec un drafting assez important. En 2017, Chris Froome et d'autres favoris du Tour avaient gravi ce col en 26min46sec. Froome sera nostalgique, c'est sûr. Mais comme il n'est plus malade, il est largué.
RADAR n° 6, 17ème étape, Peyragudes
C'est la deuxième fois que le Tour de France arrive au sommet de l'altiport de Peyragudes à 1575m d'altitude. En 2017, Romain Bardet était le vainqueur de l'étape mais les coureurs arrivaient par le versant Est du col de Peyresourde. Cette année, il y aura 7,73 km à 7,96% par le versant Ouest de Peyresourde. Le meilleur temps pourrait être de 24min36sec (465 watts et 6,65 w/kg si 70 kg) en cas d'effort maximal des meilleurs grimpeurs du Tour. Le scénario le moins favorable donne un temps d'ascension de 26min20sec (420 watts étalon et 6 w/kg si 70 kg). Moins cela ira vite, plus un Français pourrait s'imposer.RADAR n° 7, 18ème étape, Hautacam
La dernière arrivée en altitude sera à Hautacam (1522m, 13,5 km à 7,86%). Le meilleur temps pourrait être de 35min56sec (450 watts étalon et 6,5 w/kg si 70 kg). En cas de course peu intense, il sera de 38min35sec (410 watts étalon et 5,85 w/kg si 70 kg). La performance de Lance Armstrong (Tour 2000, 36min25sec) peut être battue. Cependant, ce serait une énorme surprise si le record mutant de Bjarne Riis (Tour 1996, 34min35sec) était amélioré. En 1996, il y avait eu 185km dans la plaine puis une course de côte. Son compatriote Danois Vingegaard peut-être, mais il n'aura pas un hématocrite sanguin à 60%, lui. Ce n'est plus nécessaire. En 2022, on a trouvé des produits et des méthodes de substitution à l'EPO.Tout est prévu et prédictible.
Antoine Vayer et Frédéric Portoleau, avec les illustrations d'Espé