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[BLOG-FESTINABOY#19] Les institutions complices des doublés et d'un futur nouveau triplé ?

2020-09-17, 22:14 - Antoine Vayer

J'aime bien David Lappartient, le président de l'Union Cycliste Internationale, maire de Sarzeau dans le Morbihan. Je l'ai connu alors qu'il était un jeune commissaire. C'est un passionné de cyclisme, on ne peut pas lui enlever cela.

Mais de quel cyclisme parle-t-on?

On doit à David une grande partie du maintien des compétitions professionnelles cette année. Au vu du déroulement de ce Tour, on se demande s'il a bien fait. « Je fais de la politique, mais je ne suis pas un politique ». Il se résume bien. Il travaille au bas mot, à cause de sa double fonction, pas moins de 80 heures par semaine, sans se doper je pense, quoiqu'il aurait parfaitement le droit. Ce n'est pas du sport, son travail. Ce ne serait pas illégal. Il fait un doublé tout seul David. Il sait qu'il se fait et s'est fait rouler dans la farine. Il avale des mètres de couleuvres. Il sait pourquoi, qui et comment. Las, « il ne sait rien faire » contre ça, nous dirait les Belges. Je l'ai rencontré lors de son installation, comme je l'ai fait avec ses trois prédécesseurs. Bien. De temps en temps, je le croise. Nous discutons un peu. Lors du dernier championnat de France, il m'a expliqué son impuissance quant à une résolution de certains problèmes majeurs du cyclisme concernant la tricherie. De l'usage des corticoïdes, aux transfusions, en passant par la fraude mécanique. Il n'a pas la maîtrise. A-t-il la volonté ? Les institutions dont il est tout de même le premier porte-parole et garant ont, ipso-facto, abandonné les coureurs qui jouent le jeu au profit des voleurs. C'est un fait.



Je me pose, et je ne suis pas le seul, forcément la question de la réelle volonté pour résoudre ces problèmes. David pourrait marquer son premier mandat en se démarquant de ses prédécesseurs et des autres présidents de fédération, en mettant les moyens. Il ne le fera pas.

J'ai discuté avec un des « chefs du pôle de la performance » qui travaille auprès d'une équipe sur ce Tour. Le titre est ronflant. Le dopage ? Ne connaît pas. A-t-il entraîné des dopés ? À priori non, ou alors il ne le savait pas. Parle-t-il du dopage avec les coureurs ? Non. Cela les déstabiliserait. Les performances des adversaires qui font que ses coureurs sont presque ridicules, sont-elles normales ?

« Je ne peux pas me prononcer, rien n'est prouvé »

Et notre jeune chef de la performance de conclure :

« Je fais confiance aux institutions ».

Albert Camus à propos des bourgeois, qui n'avaient pas connu la misère comme lui, disait : « Qu'ils nous enseignent à sortir de la misère d'accord, mais qu'ils écrivent comme s'ils en étaient, jamais ! ».

Les institutions ne sont pas là. Elles n'existent pas pour les problèmes de dopage et de tricheries, quand elles ne les couvrent pas. Mon interlocuteur est resté coi.

Un ancien maillot jaune Français, Romain Feuillu, tout jeune retraité, en résilience, a parlé dans la presse. Sincèrement, simplement et publiquement, il s'est ému des performances de ses congénères sur le devant de la scène du Tour de France. Il connaît les ancêtres néerlandais de la Rabo-Jumbo, 80% du staff est resté. Comme Camus pour la misère, son témoignage est crédible et terrible. Sans appel. A-t-il simplement percé un peu le tonneau ? Nous verrons. La prise de conscience est bien réelle. Il s'en fait l'écho. Romain n'est ni Christophe Bassons, ni Jacques Glassmann. Il dit juste la vérité. Nous verrons la réaction des institutions.



Doublé des frères de sang

Nous avons vécu un nouveau doublé des membres de l'équipe Ineos avec le duo Carapaz, vainqueur du Tour d'Italie en 2019, et du Polonais Kwiatkowski, champion du monde en 2014. Il fait suite aux trois doublés cette année du duo des « frères de sang » Slovènes Pogaçar-Roglic sur les étapes se terminant à Orcières Merlette, à Laruns et au Grand Colombier.

D'aucuns ont voulu comparer l'exploit du jour avec le tandem Hinault-Lemond à l'Alpe d'Huez en 1986, qu'ils avaient alors grimpé en 48 minutes pour 353 watts étalon (13.8 kms à 8.11%). C'est 11 minutes 10 secondes moins vite que Pantani en 1995 sur moins de 14 kilomètres, 48 minutes pour le duo contre 36 minutes 50 secondes à 468 watts étalon pour Pantani, seul. Un record d'outre-tombe croyait-on.



Non, on songe aujourd'hui plutôt au doublé de l'équipe Saunier Duval en 2008, Piepoli-Cobo. Piepoli a été déclassé peu de temps après. Cobo, qui n'avait plus d'argent après sa carrière pour se défendre, a lui été déclassé en 2019 de son Tour d'Espagne victorieux de 2011 au profit de Christopher Froome. L'Anglais devait être déclassé de la Vuelta 2017 à cause de son trop plein de salbutamol dans les urines, mais il avait beaucoup d'argent pour se défendre. Il a donc pu continuer sa carrière. La victoire doublé Ineos du jour est pour lui.



Les institutions sacrifient les faibles, les sanctionne et prêtent aux riches qui trichent. C'est ainsi. Complices vous croyez ?

On peut se consoler en se disant que nous n'avons pas vu de triplés comme ceux du docteur Ferrari avec celui de l'équipe Gewiss (Argentin-Furlan-Berzin) à La Flèche wallone 1994, comme celui des Mapei (Museeuw-Bortolami-Tafi) à Paris-Roubaix 1996 ou des coureurs issus de Telekom (Ullrich-Vinokourov-Klöden) aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000. À l'époque l'EPO n'était pas considérée comme dangereuse, son abus, oui.

Si tous les coureurs de l'équipe Jumbo font le contre-la-montre de l'étape de la Planche des Belles filles, ce triplé est à nouveau possible avec Roglic-Van Aert-Dumoulin, voire un quadruplé avec Kuss. Vont-ils oser ? Il faut se décomplexer.



L'ombre de Ferrai plane encore

Le docteur parle de chiffres magiques pour gagner en trichant grâce aux techniques diverses de dopage. Chiffres qu'on doit pouvoir tenir pendant toute la durée d'un grand Tour : 470 watts étalon. Nous y sommes presque. Pogaçar l'a démontré avec 467 à Peyresoudre sur 24 minutes. Sur cette étape Méribel-Roche sur Foron, Landa a attaqué le premier et les Jumbo-Visma, impassibles, ont accéléré l'allure en tête du peloton des favoris. Au sommet, Roglic, Pogaçar, Landa, Kuss, Lopez, Porte et Mas sont passés ensemble. Les autres favoris ont tous été distancés. Le temps d'ascension dans notre dernier radar long de ce Tour a été de 21min15s pour ce groupe sur les 6,18 kilomètres de montée à 10,83% de pente moyenne. La puissance étalon est de 451 watts ! Une performance qui a été réalisée en fin d'une étape de quatre cols, en troisième semaine du Tour de France.



L'équipe Jumbo Visma avait choisi un rythme pas trop élevé en début d'étape. Le col des Saisies a été gravi en 40min25s (361 watts étalon), 4min10s de plus que Landis en 2006. C'est dans la montée du plateau des Glières qu' ils ont « mis en route ».

Kwiatkowski et Carapaz, échappés depuis le début de l'étape, ont gravi le col des Glières en 23min52s, soit en puissance moyenne 397 watts étalon.

Wout Van Aert, disons à 77 kg, a encore stupéfait sur les forts pourcentages du col des Glières. Il n'a concédé que 35 secondes aux autres favoris. En puissance réelle, le Belge aurait développé 474 watts pendant presque 22 minutes. Il est revenu sur ses amis après le plateau des Glières pour régler le peloton des 10 survivants devant, avec 4 jumbo. Il termine 3ème de l'étape devant son coéquipier Roglic 4ème, ses autres coéquipiers Dumoulin et Kuss terminant 10ème et 11ème dans le même temps.

Quand je vous dis qu'ils sont capables de faire un triplé samedi !

Guillaume Martin, meilleur français, perd une place. Il termine 18ème de l'étape à 2 minutes 38 secondes de ce groupe Jumbo. Il est désormais 12ème au classement général, à 13 minutes 16 secondes de Roglic.

Nos six principaux radars longs sont franchis, je prépare un bilan de ce Tour de France 2020.

Il fera date, tant il est significatif.

Les institutions avec David constateront, ou pas. Elles pourraient ouvrir une enquête.



Antoine Vayer