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Peut-on parler de dopage dans les médias ? L'exemple réussi d'une émission de Roue Libre

2020-10-01, 16:42 - Mathieu

Peut-on parler de dopage dans les médias ? Comment aborder un tel sujet ? Quelles sont les preuves ?

Tous les médias répondent différemment à ces questions. On connaît depuis longtemps les positions des principaux, qu'ils aient ou non des conflits d'intérêts évidents dans le traitement des épreuves qu'ils co-organisent, qu'ils soutiennent, ou qui les font vivre.

Le cas de l'émission youtube "Roue Libre", proposée sur la chaîne First Team Sports, est intéressant. Un nouveau média, porté par une équipe de jeunes journalistes-commentateurs-passionnés allait-il proposer un angle différent, du fait de leur semi-professionalisme assumé ?


La 1ère partie de l'émission sur le duel Roglic-Pogacar a malheureusement mal vieilli :) Le débat qui nous intéresse démarre à 23:43.


Depuis leurs premières émissions, la question de la triche n'était qu'effleurée : très rarement mentionnée, toujours minimisée, même dans le cas des émissions consacrées à des gloires des décennies 90s-00s. La ligne éditoriale pouvait être résumée à : "ça a existé, ça existe peut-être encore, mais aujourd'hui nous n'avons aucune preuve à amener sur qui que ce soit. Ne jetons donc l'opprobre sur personne, car cela nuit au vélo.". Une posture malheureusement classique, et fausse.

Mais le Tour de France 2020 et son déroulement souvent jugé grotesque, est différent. La suprématie du combo Poga-Jumbo pousse de très nombreux commentateurs, notamment au sein du public de Roue Libre, à se poser des questions sur les performances de Roglic, Van Aert, Pogacar et d'autres. Impossible pour les animateurs d'esquiver le sujet. Ils décident donc d'en parler en cours de Tour de France, suite aux performances répétées de Tadej Pogacar. Sous forme de coup de gueule. Les commentaires sont alors nombreux sur les différents réseaux sociaux. Cela les a certainement décidés à affronter "le problème". Ils ont organisé cette émission du 18 septembre quasiment intégralement dédiée au sujet.

On peut bien évidemment reprocher certaines choses à cette émission-débat :
- l'uniformité des profils (et des points de vue ?) autour de la table.
- le manque de recul historique et de connaissances sur les traitements médiatiques des précédentes affaires (festina/armstrong/puerto, etc.)
- l'absence de contraditeurs ou simplement d'un spécialiste sur la question de l'analyse des performances/watts.
Il nous faut encore mieux expliquer/publier comment F.Portoleau tient compte de ces nombreux facteurs dans ses calculs sur ChronosWatts.

Mais le résultat est finalement positif, sans mauvais jeu de mot. Il est possible d'évoquer de bonne foi les "affaires", la suspicion, le MPCC, les performances, sans risquer la diffamation, sans tomber dans le "tous pourris".
La sincérité des participants à cette émission est indiscutable. Leur passion et leur subjectivité sont assumées. Fans certes, mais certainement pas aveugles ! On ressent leur fébrilité à l'idée d'évoquer la potentielle "affaire" qui pourrait toucher un de leurs coureurs favoris.
Les doutes qu'ils admettent, les questions qu'ils se posent, les faits qu'ils présentent, les solutions qu'ils proposent (interdiction des cétones notamment) amèneront encore plus de spectateurs à s'interroger sur ces performances et leur contexte.

Cette émission ne sera peut-être pas un énième "hors-série" qui servira de caution sur le sujet, comme c'est souvent le cas. Continueront-ils d'aborder frontalement cette question, avec la lucidité, la sincérité et l'intelligence dont ils ont fait preuve ? Quoi qu'il en soit, le succès est au rendez-vous puisqu'il s'agit de l'émission Roue Libre totalisant le plus de vues à ce jour ! Lors de la couverture du procès Festina, le Journal l'Équipe avait également crevé tous les plafonds au niveau de ses ventes.

L'émission a également eu le mérite de rappeler à plusieurs reprises un élément fondamental. C'est le travail d'investigation journalistique (mais aussi et surtout celui de la police...) qui permet d'apporter de nouveaux faits. Dès lors, une question se pose : qui fait ce travail aujourd'hui en France ? Quasiment personne apparemment.

Mathieu