Tadej Pogacar et Primoz Roglic complètent encore leurs collections de victoires. Pogacar a remporté Tirreno Adriatico et Roglic Paris-Nice pour la première fois.

Paris-Nice, Col de Turini

Primoz Roglic remporte l'étape du col de Turini en devançant de quelques secondes Daniel Martinez, Simon Yates et Nairo Quintana. Le début de l'ascension (8,06 km à 6,95%) s'effectue sur un rythme très soutenu de 416 watts étalon pendant 20min25sec pour les leaders "cachés" dans le peloton soit environ 6 w/kg. Les équipiers qui se relayent en tête du peloton fournissent un effort très important. Puis à 7km du sommet, il y a de nombreuses attaques : Adam Yates, Daniel Martinez puis Primoz Roglic. Ces deux derniers s'isolent un moment en tête de la course et développent l'équivalent de 465 watts étalon pendant une courte période de 7min51sec, soit environ 6,7 w/kg. Adam Yates est alors distancé mais son frère Simon et Quintana reviennent dans les roues de Roglic et de Martinez. La fin de l'ascension plus tactique se déroule avec un rythme irrégulier et moins intense en moyenne. Roglic termine sa montée à 400 watts étalon seulement pendant 11min52sec, soit 5,8 w/kg. Sur l'ensemble du col, Roglic se situe à 422 watts étalon pendant 40min08sec ce qui correspond à 6,1 w/kg (pour 65 kg). Le meilleur temps de Bernal et de Quintana, qui datait de 2019, est amélioré de 37sec. Cela s'explique par un début d'ascension très rapide. A l'opposé, en 2019 Bernal et Quintana avaient fourni un effort plus intense sur les derniers kilomètres. Guillaume Martin termine premier Français à 44sec de Roglic. Il développe 413 watts étalon (6,1 w/kg si 55 kg). Le Normand réalise une très bonne performance (pas loin de sa courbe de record de puissance) et confirme son excellent début de saison.


Roglic quelques minutes après sa victoire

Paris-Nice, Col d'Eze

Au départ de la dernière étape, Roglic leader possède 47 secondes d'avance sur Simon Yates. Alors que l'on s'attend à une explication finale sur le col d'Eze, gravi par un versant plus pentu que la route traditionnelle, Roglic, Van Aert, Simon Yates et Quintana s'échappent sur la côte de Peille à 46 km de l'arrivée. Van Aert roule presque tout le temps en tête de ce petit groupe pendant 25 km jusqu'au pied du col d'Eze. Quintana attaque alors le premier dans la dernière ascension du jour, mais il se fait contrer par Simon Yates qui s'échappe dans la portion la plus raide de l'ascension. Le Britannique conserve jusqu'au sommet l'écart de 24 secondes créé dans cette premiere portion. Simon Yates a gravi l'ensemble du col d'Eze (6,15 km à 7,72%) en 16min56sec. Il développe 439 watts étalon soit 6,4 w/kg si 59 kg. Van Aert et Roglic produisent 418 watts étalon (6 w/kg pour Roglic). Van Aert, infatigable, permet à Roglic de reprendre du temps sur la fin de parcours (plat et descente). Simon Yates conserve finalement seulement 9 sec d'avance à l'arrivée. La performance d'ensemble sur le col apparaît moins impressionnante que sur le col de Turini. Cela provient certainement de l'intensité de la course entre les leaders depuis la côte de Peille. Van Aert vient de confirmer qu'il est capable ponctuellement de très bonnes performances en montagne.

Tirreno-Adriatico, Monte Carpegna

Tadej Pogacar a écrasé la concurrence sur le Monte Carpegna, un col court mais très pentu (5,98km à 9,93% pour la portion la plus raide). Le Monte Carpega a déjà été gravi sur le Tour d'Italie dans les années 70. Sur le Giro 1973, Eddy Merckx avait réalisé un grand numéro en l'emportant au sommet. L'année suivante José Manuel Fuente pris sa revanche.

Au départ de cette étape de montagne de 215km, le Slovène est leader du classement général avec 9 sec d'avance sur Remco Evenepoel. Il a déjà remporté une étape en haut d'une montée de 4km à Bellante et fait bonne figure sur le contre-la-montre individuel du premier jour. Evenepoel apparaît en difficulté dès la première ascension du Monte Carpegna, il est lâché et il finira loin. Dès lors, le Slovène peut se contenter de suivre ses principaux adversaires sur la deuxième ascension pour remporter Tirreno Adriatico. Mais il décide d'attaquer violement à 4 km du sommet. Il creuse rapidement l'écart. Au passage du col il a 1min20sec d'avance sur Vingegaard, Landa, Porte et Mas, et 1min43sec sur Pinot, Caruso et Hindley. L'écart creusé en 4 km seulement est immense, très rare pour une course World Tour avec la grande densité de bons coureurs. Pogacar développe pendant 12min35sec 464 watts étalon, soit 6,65 w/kg (avec 66 kg). Sur l'ensemble du col (5,98 km à 9,93%), son niveau de performance est de 459 watts étalon et 6,6 w/kg (si 66 kg) pour une durée de 18min48sec. Le temps est pris jusqu'au point d'altitude 1358m un peu avant le grand prix de la montagne (voir image ci-dessous).



La performance apparaît de très haut niveau à la fin d'une longue étape disputée par une température très fraîche. De plus Pogacar devait garder des forces et de la lucidité pour bien négocier la descente. Il aurait probablement développé encore plus de watts avec une arrivée au sommet. Le premier groupe de poursuivants (Vingegaard, Landa, Porte et Mas) se contente de 425 watts étalon pendant 20min08sec (environ 6,2 w/kg). Thibaut Pinot et Damiano Caruso développent l'équivalent de 417 watts étalon pendant 20min31sec (environ 6 w/kg). La différence de puissance entre Pogacar et les premiers poursuivants de ce Tirreno Adriatico est de 8 % (en w/kg ou en watts étalon). Cela nous rappelle l'étape du Grand Bornand sur le dernier Tour de France où Pogacar avait creusé des écarts très importants avec 12% de puissance en plus que Carapaz sur le Col de la Colombière.

Thibaut Pinot, pas encore à son meilleur niveau (celui des années 2018-2020), réalise tout de même sa meilleure performance en montagne depuis le Dauphiné 2020. Il est certainement sur la bonne voie.

Les meilleures performances de Tadej Pogacar et de Primoz Roglic:

Dans les graphiques ci dessous, une synthèse des meilleures performances des 2 Slovènes.

Ces graphiques ne montrent pas la capacité de récupération, d'enchaîner des performances. Les conditions de courses comme la température, l'altitude, la difficulté des étapes influencent aussi les puissances développées.


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(*) sa performance sur la montée de la Planche des Belles Filles apparaît sur le graphique comme un effort de 16 minutes. En réalité c'était à la fin d'un long contre-la-montre de plus de 50 minutes. Le Slovène a probablement developpé une forte puissance moyenne sur l'ensemble du contre-la-montre mais cette valeur n'est pas possible à estimer.

(**) enchaînement de 2 cols (Romme plus Colombière) séparés d'une descente de 10 minutes. Il s'agit ici d'une estimation sur ce que pourrait réaliser Pogacar sur un effort continu de 45 minutes à partir des calculs de puissance réalisés sur les 2 cols.

Sa performance du Monte Carpegna apparaît un peu en dessous de son maximum (-0,2 w/kg) pour les efforts proches de 20 minutes. Cela reste une très bonne performance compte tenu de la durée de l'étape, des conditions météo froides et de fait que l'on est au mois de mars. Les meilleures performances en montagne du Slovène sont la Planches des Belles Filles et le col de Peyresourde en 2020, Prati di Tivo et l'enchaînement Romme-Colombière en 2021.


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Roglic a réalisé une très bonne montée du Turini, il est proche de son maximum théorique (tirets bleus sur le graphique) pour un effort de 40 minutes. Avec une course moins tactique sur la fin du Turini (400 watts étalon seulement sur les 4 derniers kilomètres), il aurait pu améliorer son temps d'au moins 30 secondes et établir un nouveau record de watts vers 6,2 w/kg et 430 watts étalon.

Les 2 Slovènes ont un niveau très proche en montagne pour des durées d'effort inférieures à 25 minutes. Pour les longues montées, petit avantage pour Pogacar. Sur une montée comme l'Alpe d'Huez Pogacar doit pouvoir réaliser un temps de 38min30sec ou un peu moins en cas d'effort maximal. Roglic pour sa part, a le potentiel pour gravir l'Alpe d'Huez en 39 min.

Frédéric Portoleau