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Le Pogacar version 2024-2025 écrase la fin de saison, par Frédéric Portoleau
2025-10-13, 11:42 - Frédéric Portoleau
Tadej Pogacar vient de remporter trois grandes victoires en solitaire en attaquant de loin pour décrocher les titres de champion du monde et d'Europe ainsi que le Tour de Lombardie. Cela devient une habitude, il cumule ce type de performances. À chaque fois, après des attaques à des intensités très élevées sur des durées de 1min (un mont du Tour des Flandres) à 10 minutes (une portion de col), il récupère parfaitement de son effort et résiste seul devant pendant 1h à 2h face à d'autres coureurs de très haut niveau qui chassent ensemble derrière lui. Pour réaliser ce type « d'exploit », il faut disposer d'une marge de puissance importante sur ses adversaires.

Tadej Pogacar photographié par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer
Dans la montée suivante de St Romain, Pogacar attaque à son tour. Le Slovène développe l'équivalent de 507 watts étalon (7,3 w/kg) pendant 5min47s sur le « mur de Cornas » (1,94 km à 10,46%) qui précède la montée vers St Romain. Evenepoel et Seixas concèdent 10sec sur cette portion (491 watts étalon pour les deux coureurs, vers 7,1 w/kg). Au sommet de St Romain, Pogacar a pris le large, il a 38sec d'avance sur Evenepoel, Seixas, Ayuso et Scaroni. Le champion du monde vient de développer en moyenne 492 watts étalon (7,1 w/kg) pendant 15min38s. Remco Evenepoel qui a mené la plupart du temps son groupe a développé l'équivalent de 459 watts étalon et Paul Seixas 454 watts étalon (6,6 w/kg). Pogacar a réussi à prendre du temps sur une montée qui favorise en théorie les groupes avec des portions en pente douce et des vitesses supérieures à 30 km/h. Le peloton suivant avec 4 Français (Sivakov, Grégoire, Prodhomme et Paret-Peintre) a déjà 1min43sec de retard au sommet. Ils ont développé autour de 420 watts étalon, soit 17% de puissance de moins que Pogacar.

Remco Evenepoel photographié par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer
En bas de la descente les quatre poursuivants se rapprochent à 24sec de Pogacar, surtout grâce à l'activité d'Evenepoel. Pogacar continue sur un rythme très soutenu, il reprend 5 secondes sur la montée suivante du Val d'Enfer (4min15s et 537 watts étalon) qu'il gravit presque aussi vite que lors du tour précédent. Malgré le vent de face et les relais de ses poursuivants, il creuse aussi l'écart sur le groupe de quatre sur la portion plate du circuit final et son avance dépasse la minute à 45 km de l'arrivée. Evenepoel parvient à se débarrasser de ses compagnons d'échappée sur la petite montée après le val d'Enfer à 40 km du but. Le Belge reprend alors un peu de temps à Pogacar sur le plat (meilleur aérodynamisme) tandis que Seixas, Scaroni et Ayuso ont un retard qui dépasse les 2 minutes à 25 km de l'arrivée. Pogacar et Evenepoel vont faire jeu égal sur la fin du parcours avant que Pogacar relâche son effort dans les deux derniers kilomètres. Paul Seixas parvient à lâcher Scaroni et Ayuso dans la dernière montée du Val d'Enfer pour s'offrir une médaille de bronze.

Paul Seixa et Juan Ayuso photographiés par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer

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Le Slovène réalise encore une performance extraordinaire sur le Passo di Ganda, à peu près la même puissance qu'à Peyragudes sur le contre-la-montre du Tour de France (effort de 23min). Il restait 30km à parcourir au sommet donc Pogacar ne pouvait pas monter au maximum de ses possibilités le col Italien, contrairement à Peyragudes. D'autre part, sur un grand Tour, il faut être capable de bien récupérer des efforts des jours précédents alors qu'une course d'un jour s'aborde avec plus de fraîcheur. La performance de Pogacar sur le Passo di Ganda fait partie de ses meilleures performances en montagne comme le montre les deux profils de puissance record ci-dessous. Ses performances maximales depuis 2024 apparaissent nettement au dessus de qu'il pouvait réaliser auparavant.

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Sa saison 2025 apparaît aussi improbable que celle de 2024 avec des succès sur le Tour UAE, les Strade Bianche, le Tour des Flandres, la Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège, le Dauphiné, le Tour de France, le championnat du Monde, le championnat d'Europe et le Tour de Lombardie. Après une pause au mois d'Août et des performances en deçà dans les Alpes sur le Tour de France, il montre de nouveau sa « surpuissance » en cette fin de saison.

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Lenny Martinez avait fini tout proche des meilleurs (Roglic, Evenepoel, Almeida) sur la montée de Lo Port au Tour de Catalogne 2023 avec 455 watts étalon pendant 24min37s, l'étape était courte et le sommet du col à 1040m seulement, ce qui permet de développer de la puissance. Il avait aussi montré de belles qualités sur une montée courte comme La Malate sur la Classic Grand Besançon un peu plus tard avec 483watts étalon sur 10min48s. Deux performances sur des épreuves de 4h environ avec peu de dénivelé avant la montée finale. À plus de 2000m, il avait été très bon sur la montée de Valter 2000, toujours sur le Tour de Catalogne. Il avait aussi remporté la challenge du Mont Ventoux devant Michael Woods mais je n'avais pas estimé la puissance développée ce jour-là.
Paul Seixas a réalisé de bonnes performances sur le dernier Tour de l'Avenir avec 460 watts étalon sur la première partie du contre-la-montre de La Rosière. Sur la totalité du parcours il y a de bonnes chances qu'il ait développé l'équivalent de 450 watts étalon pendant 24min16s donc une performance assez similaire voire un peu supérieure, à cause de l'altitude, à celle de Lenny Martinez sur le col de Lo Port. Il a impressionné sur ce championnat d'Europe. Pour les côtes courtes où les puncheurs peuvent s'exprimer, sa montée du Val d'Enfer apparaît aussi de très bon niveau.
Il n'y a finalement pas de nette différence de niveau en montagne entre les deux coureurs à 19 ans. Plus fort sur le plat et en contre-la-montre et avec plus de régularité dans les performances, Paul Seixas a plus de potentiel pour les classements généraux. Lenny Martinez est sûrement meilleur sprinteur en côte. En tout cas, ces deux coureurs sont plus forts que Tadej Pogacar à l'âge de 19 ans, le Slovène a surtout explosé l'année de son arrivée chez UAE en 2019 à 21 ans. Mais les jeunes coureurs ont aujourd'hui accès à des méthodes d'entraînement plus sophistiquées.
Frédéric Portoleau
Le championnat d'Europe 2025 en Ardèche
Le parcours très sélectif de ce championnat d'Europe avec la côte de St Romain de Lerps à trois reprises et celle du Val d'Enfer à six reprises a certainement avantagé le Slovène. La course entre les leaders a vraiment débuté dans la deuxième ascension de Saint Romain de Lerps (6,48 km à 7,48%) à 110 km de l'arrivée quand l'équipe belge de Remco Evenepoel a provoqué une première sélection avec un rythme soutenu de 400 watts étalon (5,6 à 5,9 w/kg suivant les coureurs) pendant 18min. La sensation fut le décrochage de Jonas Vingegaard qui suit d'habitude facilement des intensités proches de 6 w/kg. Puis quelques kilomètres plus loin, Evenepoel a accéléré franchement dans la montée du Val d'Enfer. Au sommet, seuls Pogacar et Paul Seixas ont pu rester dans sa roue. Le Belge a gravi cette 2ème montée du Val d'Enfer (1,5 km à 10,47%) en 4min07sec avec une puissance moyenne de 540 watts étalon (7,8 w/kg). Paul Seixas a fait 2 secondes de moins car il était moins bien placé au pied de la montée. Mais les trois hommes ont été repris dans la descente.
Tadej Pogacar photographié par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer
Dans la montée suivante de St Romain, Pogacar attaque à son tour. Le Slovène développe l'équivalent de 507 watts étalon (7,3 w/kg) pendant 5min47s sur le « mur de Cornas » (1,94 km à 10,46%) qui précède la montée vers St Romain. Evenepoel et Seixas concèdent 10sec sur cette portion (491 watts étalon pour les deux coureurs, vers 7,1 w/kg). Au sommet de St Romain, Pogacar a pris le large, il a 38sec d'avance sur Evenepoel, Seixas, Ayuso et Scaroni. Le champion du monde vient de développer en moyenne 492 watts étalon (7,1 w/kg) pendant 15min38s. Remco Evenepoel qui a mené la plupart du temps son groupe a développé l'équivalent de 459 watts étalon et Paul Seixas 454 watts étalon (6,6 w/kg). Pogacar a réussi à prendre du temps sur une montée qui favorise en théorie les groupes avec des portions en pente douce et des vitesses supérieures à 30 km/h. Le peloton suivant avec 4 Français (Sivakov, Grégoire, Prodhomme et Paret-Peintre) a déjà 1min43sec de retard au sommet. Ils ont développé autour de 420 watts étalon, soit 17% de puissance de moins que Pogacar.

Remco Evenepoel photographié par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer
En bas de la descente les quatre poursuivants se rapprochent à 24sec de Pogacar, surtout grâce à l'activité d'Evenepoel. Pogacar continue sur un rythme très soutenu, il reprend 5 secondes sur la montée suivante du Val d'Enfer (4min15s et 537 watts étalon) qu'il gravit presque aussi vite que lors du tour précédent. Malgré le vent de face et les relais de ses poursuivants, il creuse aussi l'écart sur le groupe de quatre sur la portion plate du circuit final et son avance dépasse la minute à 45 km de l'arrivée. Evenepoel parvient à se débarrasser de ses compagnons d'échappée sur la petite montée après le val d'Enfer à 40 km du but. Le Belge reprend alors un peu de temps à Pogacar sur le plat (meilleur aérodynamisme) tandis que Seixas, Scaroni et Ayuso ont un retard qui dépasse les 2 minutes à 25 km de l'arrivée. Pogacar et Evenepoel vont faire jeu égal sur la fin du parcours avant que Pogacar relâche son effort dans les deux derniers kilomètres. Paul Seixas parvient à lâcher Scaroni et Ayuso dans la dernière montée du Val d'Enfer pour s'offrir une médaille de bronze.

Paul Seixa et Juan Ayuso photographiés par F.Portoleau dans la montée du Val d'Enfer
Analyse des performances
L'image qui suit montre les puissances étalon du vainqueur Tadej Pogagar sur chaque montée du championnat d'Europe. Pogacar a surtout produit son effort entre les km 110 et 150. Après son attaque, il a pris un peu de temps à Evenepoel dans les ascensions du Val d'Enfer, 5s puis deux fois 8s et 40s sur les portions plates et en descente pour atteindre la minute d'avance sur Evenepoel. Pogacar a géré le final de la course. Le Belge lui a repris 7s sur la dernière montée. Sur des montées de 4 minutes, le Slovène a déjà produit plus de puissance. Sur la côte de San Vito (étape 1 du Giro 2024), j'avais estimé sa puissance à 595 watts étalon pendant 3min36s. Seul Narvaez avait pu le suivre ce jour là. Sur la côte de Pike en 2023 (Tour de France) il avait été impressionnant avec Vingegaard en développant 574 watts étalon sur 3min43s. Sur la montée la plus rapide du Val d'Enfer cette année, il a suivi Evenepoel et n'a donc pas produit un effort maximal. Sa plus grande performance du jour dans les ascensions est celle de St Romain quand il part seul. L'estimation de puissance apparaît plus élevée que sa montée du Col d'Eze (Paris-Nice 2023, 481 watts étalon sur 15min24s). De plus il avait encore 70 km à faire seul devant après cette montée. Mais Pogacar a changé depuis 2024, il a pris de la puissance. Sa montée de Peyragudes sur le Tour de France 2025 constitue maintenant sa performance de référence sur des cols courts. Il avait développé l'équivalent de 505 watts étalon (7,23 w/kg) pendant 17min32s sur la portion montante du contre-la-montre d'une durée totale de 23min. Sa performance d'ensemble sur ce championnat d'Europe, la montée de St Romain à 492 watts étalon, les quatre montées du Val d'Enfer à plus de 480 watts étalon (plus de 7 w/kg), plus sa vitesse sur la plat en fin de course, reste à un niveau incroyable.Cliquez sur l'image pour agrandir
Le Tour de Lombardie 2025
Comme on pouvait le prévoir, Tadej Pogacar a attaqué sur le Passo di Ganda avec un sommet situé à 30 km de l'arrivée du Tour de Lombardie. Après des relais très appuyés de ses coéquipiers en bas de la montée, Rafa Majka et Jay Vine, le Slovène a distancé tous ses adversaires à 5,5 km du sommet. Il a développé une puissance moyenne étalon de 499 watts (7,2 w/kg) pendant 21min21s. Le Passo di Ganda mesure 9,22km avec une pente moyenne de 7,3%. Sur la portion finale, seul dans la pente, sur 5,35 km pendant 13min34s, l'estimation de puissance est égale à 491 watts étalon. Derrière Remco Evenepoel et Michael Storer ont limité les écarts à 1min17s soit du 453 watts étalon (6,5 w/kg). Del Toro est passé avec 1min30s de retard (448 watts étalon) et Paul Seixas, quelques secondes plus loin à 1min43s (441 watts étalon-6,15 w/kg). A l'arrivée, Tadej Pogacar devance Remco Evenepoel de 1min48s et Michael Storer de 3min14s.Le Slovène réalise encore une performance extraordinaire sur le Passo di Ganda, à peu près la même puissance qu'à Peyragudes sur le contre-la-montre du Tour de France (effort de 23min). Il restait 30km à parcourir au sommet donc Pogacar ne pouvait pas monter au maximum de ses possibilités le col Italien, contrairement à Peyragudes. D'autre part, sur un grand Tour, il faut être capable de bien récupérer des efforts des jours précédents alors qu'une course d'un jour s'aborde avec plus de fraîcheur. La performance de Pogacar sur le Passo di Ganda fait partie de ses meilleures performances en montagne comme le montre les deux profils de puissance record ci-dessous. Ses performances maximales depuis 2024 apparaissent nettement au dessus de qu'il pouvait réaliser auparavant.
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Comparaison des jeunes coureurs : Lenny Martinez, Paul Seixas
Paul Seixas fait parler de lui à 19 ans. Après une victoire sur le Tour de l'Avenir, il fait déjà bonne figure sur des courses de niveau World Tour : 3ème du championnat d'Europe et 7ème du Tour de Lombardie. Est-il plus fort au même âge en montagne que notre autre « pépite » Lenny Martinez ? Un graphique des performances réalisées à 19ans par Seixas et de Martinez en watts étalon en fonction du temps est proposé.
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Paul Seixas a réalisé de bonnes performances sur le dernier Tour de l'Avenir avec 460 watts étalon sur la première partie du contre-la-montre de La Rosière. Sur la totalité du parcours il y a de bonnes chances qu'il ait développé l'équivalent de 450 watts étalon pendant 24min16s donc une performance assez similaire voire un peu supérieure, à cause de l'altitude, à celle de Lenny Martinez sur le col de Lo Port. Il a impressionné sur ce championnat d'Europe. Pour les côtes courtes où les puncheurs peuvent s'exprimer, sa montée du Val d'Enfer apparaît aussi de très bon niveau.
Il n'y a finalement pas de nette différence de niveau en montagne entre les deux coureurs à 19 ans. Plus fort sur le plat et en contre-la-montre et avec plus de régularité dans les performances, Paul Seixas a plus de potentiel pour les classements généraux. Lenny Martinez est sûrement meilleur sprinteur en côte. En tout cas, ces deux coureurs sont plus forts que Tadej Pogacar à l'âge de 19 ans, le Slovène a surtout explosé l'année de son arrivée chez UAE en 2019 à 21 ans. Mais les jeunes coureurs ont aujourd'hui accès à des méthodes d'entraînement plus sophistiquées.
Frédéric Portoleau





