Tadej Pogacar ajoute Paris Nice à son palmarès et se permet même le luxe de remporter les 3 étapes de montagne. Alors que l'on attendait un duel entre le Slovène et Jonas Vingegaard, c'est David Gaudu, 2ème, qui a été son principal adversaire. Le Breton réalise la plus belle performance de sa carrière sur une course par étape WorldTour d'une semaine. Jonas Vingegaard doit se contenter de la troisième place du général et n'a jamais pu vraiment rivaliser avec Pogacar en montagne comme il l'avait fait sur le dernier Tour de France.

La performance la plus remarquable du Slovène est la montée du col d'Eze le dernier jour. Il démarre avec une grande facilité apparente, assis sur la selle, dans les pentes à 15% du chemin du Vinaigrier et reprend 43sec à ses principaux adversaires en 3,5 km. Sur l'ensemble du col (6,13 km à 7,72%), sa puissance moyenne étalon estimée est de 481 watts soit 6,9 w/kg (si 66 kg). David Gaudu, accompagné de Jorgenson, Simon Yates et Vingegaard développe pour sa part 448 watts étalon soit une différence de ~30 watts avec Pogacar. Ce dernier résiste bien dans la descente et l'emporte à Nice avec 33sec d'avance sur ses quatre poursuivants.

Comme le montre le graphique ci-dessous, cette montée du col d'Eze fait partie des meilleures performances de Pogacar relevées depuis 2019. Le contexte de chaque étape (dépense d'énergie avant le dernier col, altitude moyenne, etc) n'apparaissant pas sur ce type de graphique, il n'est pas possible de classer avec précision toutes ces performances. Néanmoins, je mettrais toujours en tête sa montée de la Planche des Belles Filles 2020 où il renversa le Tour de France.

Graphique 1 - Les plus grandes performances en montagne de Pogacar
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Son début de saison reste exceptionnel avec 9 victoires depuis début février. Avant Paris-Nice, Pogacar remporte le Tour d'Andalousie avec en particulier une belle échappée solitaire sur l'Alto de Despiernacaballos (452 watts étalon sur 18min30sec). Comme en 2021 et 2022, il démarre sa saison sur les chapeaux de roues. Le graphique suivant montre ses principales performances de fevrier/mars en watts étalon depuis 2020.

Graphique 2 - Grandes performances en février/mars de Pogacar
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Sur Paris-Nice, David Gaudu a rivalisé avec Pogacar lors de la montée de la Loge des Gardes (étape 4) et celle de la Couillole (étape 7). Il n'y a qu'au sprint que le Slovène s'est montré vraiment supérieur.

Sur la Loge des Gardes, après une attaque avortée de Vingegaard, suivi par Pogacar, Gaudu contre et s'en va seul. Pogacar parvient à distancer Vingegaard à 2 km de l'arrivée, il rejoint Gaudu et le bat au sprint pour la victoire d'étape. Vingegaard a une petite défaillance sur la fin de l'ascension et concède 43sec à l'arrivée. Pogacar développe en moyenne 454 watts étalon (6,5 w/kg si 66 kg) sur cette montée pendant 16min19sec. L'estimation pour David Gaudu donne 457 watts étalon pour le même temps d'ascension mais avec moins d'aspiration. La performance apparaît de bon niveau pour ces deux coureurs, mais inférieure à celle de Pogacar sur col d'Eze. Pogacar pouvait certainement escalader plus vite la Loge des Gardes mais tactiquement il devait en priorité surveiller Vingegaard.

Tadej Pogacar a aussi remporté l'étape reine de ce Paris-Nice au col de la Couillole, une difficile ascension de 15,85km à 7,37%. J'ai observé le vent sur cette ascension ainsi que dans les environs. A la station météo automatique de Ilonse le vent soufflait de Ouest/Sud Ouest au moment de la course. Les coureurs ont eu des passages par vent de dos au bas de la montée, puis avec les nombreux virages dans un environnement forestier ils ont été relativement abrités. Enfin, le vent m'a semblé plutôt de face à proximité du sommet. Le vent n'a pas bloqué la course comme sur la montée de Sassotetto sur Tirreno-Adriatico. Pogacar a même attaqué violemment près du village de Roubion (impossible en cas de fort vent de face). Sa puissance moyenne sur ce passage principalement en virages et forestier est de 470 watts étalon pendant 7min25sec. Il n'a pas insisté et a été repris par Gaudu et Vingegaard. La puissance moyenne estimée de Pogacar sur la totalité du col est de 405 watts étalon (5,8 w/kg si 66 kg) pendant 43min50sec. En 2017, le col de la Couillole avait été gravi 2min plus vite par Richie Porte en 41min50sec. Cette année le rythme en début d'ascension avant l'attaque de Pogacar a été soutenu mais pas aussi rapide que certains jours quand des équipiers presque aussi forts que leur leaders mènent.

Le graphique suivant illustre les principales performances de Gaudu en watts étalon. En pointillés bleus, le niveau maximal estimé pour Pogacar. Ses 3 ascensions de Paris-Nice 2023 (Loge des Gardes, Couillole et Eze) ne dépassent pas ses performances maximales des années précédentes. A 26 ans, il peut encore progresser, surtout sur le plan de la régularité dans les performances. Par rapport à Pogacar, son niveau maximal apparaît proche (10 à 15 watts étalon en moins) pour les cols courts de 10 à 15 minutes. Gaudu a déjà été très bon sur le Tour du Pays Basque en 2021. En revanche il ne peut pas encore rivaliser avec le Slovène sur les longues ascensions.

Graphique 2 - Principales performances de David Gaudu
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Vingegaard pour sa part me semble encore loin de son niveau du Tour de France 2022. D'ici juillet il devra nettement s'améliorer pour pouvoir remporter un deuxième Tour.

Frédéric Portoleau