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Un podium surprenant pour la Vuelta 2019, par Frédéric Portoleau

2019-09-23, 14:42 - Frédéric Portoleau

Primoz Roglic poursuit sa moisson de victoires dans les courses par étapes au plus haut niveau (« world tour »). Sur ses deux dernières saisons 2018 et 2019, il a remporté le Tour du Pays Basque, 2 fois le Tour de Romandie, l'UAE Tour, Tirreno Adriatico et la semaine dernière le Tour d'Espagne. Il a aussi terminé 3ème du Tour d'Italie et 4ème du Tour de France. Il vient de montrer sur la Vuelta ses capacités pour tenir 3 semaines au plus haut niveau sans fléchissement. Mise à part une baisse de régime en fin de Tour d'Italie, sa saison 2019 apparaît exceptionnelle. Et il faudra encore compter sur lui lors des prochains championnats du monde (route et contre-la-montre).

Roglic a pris le maillot de leader lors de sa victoire sur le contre-la-montre de Pau. Il a creusé l'écart sur ses principaux rivaux et a ensuite résisté assez facilement en montagne. À priori seule l'étape de transition ventée de Guadalajara lui a posé des problèmes (Quintana lui a repris 5 minutes). Les estimations de puissance montrent que sa meilleure performance sur ce Tour d'Espagne est son ascension vers le sanctuaire de l'Acebo (étape 15). Roglic aurait développé l'équivalent de 451 watts étalon pendant 26min10s (6,5 w/kg si 64 kg). L'altitude à mi-pente était de 800m seulement, ce qui constitue un avantage pour les efforts à dominante aérobie. Cela reste une très grande performance car il y avait 4 cols à escalader sur une durée d'effort de 4h20 environ pour la totalité de l'étape.

Le graphique suivant montre une comparaison des estimations de puissance de Primoz Roglic entre le Tour d'Espagne 2019 et les autres montées de cols sur 2018 et 2019. J'ai relevé 4 performances de très haut niveau réalisées sur ce Tour d'Espagne en 2 semaines pour des durées d'effort comprises entre 15 à 26 minutes : Javalambre (étape 5), Mas de la Costa (étape 7), Los Machucos (étape 13) et le Sanctuaire de l'Acebo (étape 15). Pour la fin de la montée vers Cortals d'Encamp, il y a eu un effet de l'altitude (sommet à 2090m). La montée de Mende (Tour de France 2018) et le contre-la-montre de Villard sur Ollon (Tour de Romandie) étaient ses meilleures performances avant ce Tour d'Espagne. Je n'ai pas encore relevé de performances exceptionnelles au delà de 30 minutes d'effort. Pour cela il est nécessaire d'avoir un long col à gravir avec un effort maximal et un sommet à moins de 1500/1800m.



Un deuxième graphique compare les performances de Roglic sur le Tour d'Espagne 2019 avec celles de Yates en 2018, de Froome en 2017, de Contador en 2014 et d'Horner en 2013.
Roglic se situe à 443 watts étalon sur 4 ascensions entre 19 et 26 minutes (22min17s et 1115m d'altitude en moyenne). En 2018, Simon Yates avait remporté le Tour d'Espagne avec 436 watts étalon sur 4 ascensions (Covadonga, Bizkaia, La Rabassa partie basse et La Gallina) pour une durée moyenne de 22min46s (altitudes moyennes 900m). Le Slovène en 2019 serait donc encore plus fort que Simon Yates en ascension de cols. Si on ajoute ses qualités de coureurs de contre-la-montre et la force collective de son équipe, Roglic devient un candidat à la victoire sur le Tour de France ces prochaines années. Mais il sera en concurrence dans son équipe avec Tom Dumoulin.



Roglic n'a rien à envier aux précédents vainqueurs de la Vuelta montrés sur ce graphique, au moins pour des durées d'effort entre 15 et 26 minutes. Contador et Horner avaient été très performants sur les longues ascensions au delà de 30 minutes. Froome pour sa part avait réalisé de grandes performances pour les montées courtes (moins de 15 minutes). La comparaison est faite en watts étalon car le rapport w/kg n'est pas le même en montée pour tous les coureurs pour une même vitesse de déplacement.

Sur la montée du Sanctuaire de l'Acebo, Roglic a suivi...Alejandro Valverde. Le vétéran Espagnol de 39 ans a réalisé ce jour là une exceptionnelle ascension (451 watts étalon comme Roglic et 6,55 w/kg si 61 kg). Valverde est encore à 39 ans très performant et réalise une des plus belles montées de sa carrière, comme le montre le graphique ci-dessous:



Sur les 125 cols analysés depuis 2003, seules 2 ascensions réalisées avant sa suspension, de mai 2010 à mai 2012, apparaissent au dessus : Courchevel 2005 et Angliru 2008. Le matériel et les méthodes d'entraînement ont progressé depuis 2003. Cependant Valverde reste très performant depuis 2012 en montagne, surtout sur son tour national. Valverde, 2ème au classement général final, a été très régulier sur cette Vuelta. Sa moyenne en watts étalon sur les 4 ascensions (Javalambre, Los Machucos, Acebo et Morcuera) est proche de celle de Roglic, 441 contre 443.

Le jeune Slovène de 21 ans, Tadej Pogacar occupe la troisième marche du podium. Un résultat pour le moins inattendu. Sur les 4 ascensions (Javalambre, Los Machucos, Acebo et Morcuera) sa moyenne est de 437 watts étalon. Ce niveau de performance est exceptionnel pour un jeune coureur qui effectue son premier grand Tour de 3 semaines, en particulier sur l'aspect récupération. De plus le Slovène a remporté, avec la manière, 3 étapes de montagne. Lors de sa dernière victoire au sommet de la Plateforme de Gredos, il attaque à 40 km de l'arrivée dans l'ascension du col de Pena Negra. Il parvient à conserver l'avance acquise sur cette ascension (1min40s) jusqu'à l'arrivée. Valverde, menacé pour sa deuxième place et resté dans les roues, ne lui reprend que 8s dans les 4 derniers kilomètres.

Il a remporté l'année dernière le Tour de l'avenir. En 2019, il s'est illustré en montagne sur le Tour de Californie en remportant l'étape du Mont Baldy avec un nouveau record. Il a aussi terminé 6ème du Tour du Pays Basque, une épreuve avec de nombreuses étapes de moyenne montagne où il faut gravir des petits cols à forts pourcentages. Il a gravi la montée d'Arrate en 13min04s, soit un équivalent de 455 watts étalon (6,6 w/kg si 60 kg). On pouvait s'attendre de sa part à quelques performances ponctuelles sur cette Vuelta, pourquoi pas une victoire d'étape pour un premier grand Tour, mais pas le voir à un tel niveau de performance.



Frédéric Portoleau