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Les Watts du Giro 2019 - Frédéric Portoleau

10-06-2019, 20:42 - Frédéric Portoleau

L'Equatorien Richard Carapaz vient de remporter le Tour d'Italie. Il a construit sa victoire essentiellement grâce à ses qualités de grimpeur, en faisant preuve d'une grande constance dans ses performances jour après jour. Le marquage Nibali/Roglic sur les deux étapes alpestres (Lago di Serru et Courmayeur) a joué en sa faveur. Son équipe Movistar a très bien défendu son maillot rose et Mikel Landa, 4ème au classement final, a été précieux comme équipier de luxe.

Les temps forts

Lors de son échappée victorieuse en direction de Courmayeur (14ème étape), Carapaz grimpe le col de San Carlo en 36min03s depuis Morgex (10,5 km à 9,8%, de 922m à 1961m). Sa puissance moyenne étalon est de 405 watts, soit 6 w/kg avec un « poids » de 62 kg. Au sommet, il n'a que 32s d'avance sur le trio Nibali/Roglic/Landa mais à l'arrivée à Courmayeur, l'écart passe à 1min54s, Roglic et Nibali ayant décidé de ne pas collaborer dans la poursuite. Richard Carapaz endosse le maillot rose. Cette même ascension du San Carlo fût gravi en 33min50s par Ivan Basso et Leonardo Piepoli en 2006, soit 2min13s de moins et 9% de watts étalon en plus. L'étape était plus facile en 2006 avec une seule ascension mais disputée par mauvais temps. Cette année, nous avons eu en plus une belle bataille entre leaders dans la première ascension, le col de Verrayes. La puissance moyenne étalon fût de 422 watts pour un effort de 18min25s, soit un bloc d'intensité élevé en début d'étape.

Deux jours plus tard, lors de la 16ème étape, le peloton devait gravir le redoutable col du Mortirolo (11,9 km à 10,8%). Dans le froid (3°C au sommet) et sous la pluie, les meilleurs coureurs de ce giro réalisent une ascension rapide. Le Colombien Lopez apparaît le plus efficace en 44min48s (408 watts étalon et 5,95 w/kg si 60 kg). Carapaz et Landa résistent à Nibali, qui eut un instant 20s d'avance sur la portion la plus raide. Le trio grimpe le col en 45min01s (406 watts étalon et 5,9 w/kg). La meilleure « marque »sur ce col est détenue par le trio Gotti/Heras/Simoni qui a gravi cette ascension en 1999 en 41min42s. La différence de puissance étalon est de 8% avec la montée 2019 de Lopez. En revanche, il s'agit de la 2ème montée la plus rapide pour la période 2010-2019 après celle de Basso, 44min40s en 2010.

Après un début de Giro laborieux, marqué par des pertes de temps dans les contre-la-montre et un incident mécanique en fin de 13ème étape en direction du Lago Serru, Miguel Angel Lopez se montre offensif en troisième semaine. Sur l'ascension de San Martino di Castrozza (19ème étape), il fait rouler son équipe Astana puis attaque violemment pour reprendre 44s aux autres favoris. Sa vitesse moyenne est supérieure à 27 km/h pendant 27min11s sur cette ascension à 6% de pente moyenne. Lopez a néanmoins bénéficié du vent favorable sur cette montée comportant de nombreuses lignes droites axées Nord-Sud. En raison de la vitesse, une estimation précise de la puissance développée n'est pas envisageable. Le lendemain, Lopez tente le tout pour le tout dans la difficile montée du Passo Menghen à 120 km de l'arrivée au Monte Avena (20ème étape). Il développe l'équivalent de 431 watts étalon pendant 16min58s (presque 6,3w/kg si 60 kg). Seuls Landa et Carapaz peuvent suivre, Roglic et Nibali concèdent 20s au sommet mais reviennent dans la descente.

Le basque Mikel Landa avait aussi des fourmis dans les jambes en troisième semaine. Au risque de mettre en danger la position de son leader Richard Carapaz, Landa a attaqué à plusieurs reprises. Dans la courte montée vers Anterselva (site de biathlon 17ème étape), il développe l'équivalent de 459 watts étalon pendant 10min56s, soit 6,7 w/kg si 60 kg, pour reprendre quelques secondes. Lors de la dernière étape de montagne, il est particulièrement impressionnant. Le premier col (Cima di Campo) est escaladé sur un rythme soutenu à 402 watts étalon pendant 38min34s. Il arrive ensuite à suivre Lopez sur la fin de la montée du Passo Menghen puis enchaîne 2 nouveaux blocs à haute intensité en fin d'étape. Sur le Croce d'Aune, il développe l'équivalent de 454 watts étalon pendant 9min45s, 6,65 w/kg si 60 kg. Puis quelques minutes plus tard, après une courte descente, il se situe à 433 watts étalon pendant 17min37s, 6,3 w/kg si 60 kg. Seul le Passo Rolle a été escaladé relativement tranquillement par Landa et les autres favoris sur cette étape avec un rythme de 354 watts étalon, soit 5,2 w/kg si 60 kg.

Bilan des performances

Comme le montre le bilan de ses performances, Richard Carapaz n'a jamais montré de signe de fatigue et a fait preuve d'une grande régularité sur ce Tour d'Italie. Il n'a pas eu de journée difficile comme au Zoncolan en 2018 (2 min de perte sur Froome) lorsqu'il avait terminé 4ème au classement général. Sur les 4 montées de plus de 20 minutes, sa puissance moyenne étalon est de 411watts, soit une performance de haut niveau pour la période actuelle du cyclisme et la preuve de sa régularité. Il a aussi réussi à suivre toutes les accélérations de ses rivaux, cela montre ses capacités pour produire des puissances élevées pour des efforts de 30s à quelques minutes. Il apparaît aussi plus performant sur ce plan là qu'au Giro 2018. Il a réalisé ses meilleures performances au col de San Carlo et sur la montée du Lago Serru, 6 w/kg sur les derniers kilomètres à une altitude moyenne de 1970m. Ces 2 performances restent néanmoins inférieures à celles des précédents vainqueurs du Giro comme Froome (Zoncolan et Jafferau en 2018), Dumoulin (Oropa en 2017), Quintana (Monte Grappa 2014) ou encore Nibali (Tre Cime di Lavaredo en 2013). Les puissances développées sur les cols de Montoso, de San Carlo et du Mortirolo seraient légèrement supérieures sur des arrivées au sommet de même longueur. Les coureurs ayant dû conserver de l'énergie pour la fin des étapes.


Performances de Richard Carapaz sur le Giro 2019


Excepté sur l'étape d'Anterselva, le lendemain du Mortirolo, Nibali, 34 ans, a été très performant en montagne. Il a réussi à revenir à un bon niveau depuis sa chute de l'Alpe d'Huez sur le Tour de France 2018 sans toutefois atteindre les puissances de ses meilleures années 2013-2014 (à respectivement 29 et 30 ans). Je le situerais au niveau de son Tour d'Espagne 2017 quand il termina 2ème derrière Chris Froome. Sa meilleure performance serait sa montée du Mortirolo qui restera dans les esprits avec une attaque loin du sommet dans des conditions dantesques.



Performances de Vicenzo Nibali sur le Giro 2019


Primoz Roglic (voir son portrait ici) complète le podium. Après sa victoire sur le contre-la-montre de San Marin (9ème étape), il disposait d'une avance confortable sur ses rivaux: 1min44s sur Nibali et 3min16s sur Carapaz. Mais après l'étape de Côme où il tombe dans la descente du Civiglio, sa forme va décliner. Il escalade le Mortirolo 1min27s moins vite que Nibali et Carapaz puis est encore distancé au Monte Avena. En puissance étalon, sa moyenne est de 399 watts pour les cols de plus de 20 minutes. Sa meilleure performance serait au col de San Carlo avec, comme Nibali, 405 watts étalon pendant 36min35s (5,8 w/kg si 65 kg). Il apparaît moins fort en montagne qu'au Tour de France 2018 à la fois en moyenne et pour ses performances maximales. A -il montré de manière définitive ses limites en terme de récupération lors d'enchaînement de difficiles étapes de montagne au cours de cette troisième semaine, ou est-ce une fatigue passagère ? Nous le saurons dans les prochaines années.

Mikel Landa a de nouveau été très performant en montagne sur ce Giro, comme en 2015 et 2017. Très régulier, il n'a montré aucun signe de fatigue, comme son leader inattendu Richard Carapaz. Sa puissance moyenne étalon est de 409 watts pour les cols de plus de 20 minutes.


Performances de Mikel Landa sur le Giro 2019


Au rang des surprises, il y a la contre performance de Simon Yates, 8ème au classement général final. Sur les montées de plus de 20minutes, il aurait développé 6% de puissance en moins que lors des deux premières semaines du Giro 2018. Pourtant, en début de saison 2019, il n'a pas chuté ni eu de problème de santé connu et a suivi une préparation spécifique pour ce Giro.

Les Français se sont illustrés avec des victoires d'étape pour Arnaud Demarre et Nans Peters et avec la 13ème place au classement général final de Valentin Madouas, prometteur à 22 ans seulement. Le Breton est aussi passé en tête au sommet du Croce d'Aune à quelques kilomètres de l'arrivée de la 20ème étape.

Frédéric Portoleau

Les précisions des calculs du watts étalon :
Mortirolo : +/- 2%
Montoso, Lago Serru, San Carlo, Civiglio, Croce d'Aune : +/- 3%
Monte Avena : +/- 4%