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Le point sur la Vuelta 2016 après 2 semaines de course, par Frédéric Portoleau
06-09-2016, 21:42 - Frédéric Portoleau
Il reste encore une semaine de course et le Colombien Nairo Quintana est bien parti pour remporter la vuelta. Il a creusé l'écart sur son principal concurrent Chris Froome lors de l'étape de Formigal. Quintana s'est glissé dans le bon coup en début d'étape et a distancé tous les membres de l'échappée sauf Brambilla qui l'a battu au sprint. La surprise a été la défaillance collective de l'équipe Sky. Froome était moins fort que Quintana dans le final, et un bon nombre de ses équipiers furent en difficulté en début d'étape. Quintana semble dans une condition physique exceptionnelle, il a parfaitement récupéré de la très difficile étape de l'Aubisque disputée la veille. Il montre un autre visage qu'au Tour de France où il a semblé subir la course (semi-échec avec une 3ème place) sans pouvoir attaquer. En début de Tour d'Espagne, il s'est déjà mis en évidence lors de l'étape des lacs de Covadonga (vainqueur d'étape comme Luis Herrera en 1987) puis lors de l'ascension de l'Aubisque où il accéléra à de nombreuses reprises pour tenter de reprendre du temps à Chris Froome.
La route des lacs de Covadonga fait partie de l'histoire du Tour d'Espagne. Elle a été escaladé la première fois en 1983 avec la victoire de Marino Lejaretta devant Bernard Hinault.
Cette petite route des Asturies, dans le massif des pics d'Europe, a une pente sévère et irrégulière. Les coureurs doivent affronter depuis le point de départ, la basilique de Covadonga, un tronçon de 8,5 km à 9,18%. La pente est irrégulière par la suite avec de courtes descentes. Sur ce tronçon de 8,5 km, le record de la montée est détenu par le trio Tonkov/Zülle/Jalabert avec un temps de 24min29s établi en 1997. Cela représente une vitesse moyenne de 20,83 km/h et une puissance étalon de 478 watts (6,82 w/kg pour un coureur de 70 kg). Sur l'ensemble de la montée (12,8 km), Tonkov a le record avec un temps de 33min40s (1997). En 2001, le site d'arrivée a été déplacé et la nouvelle distance de référence est passée à 12,3 km. D'après le site climbing-records.com, le record sur cette distance est détenu par l'Italien Gilberto Simoni avec un temps de 32min22s (2002).
Image issue de http://www.altimetrias.net/aspbk/verPuerto.asp?id=335
Cette année, en début d'ascension Chris Froome a préféré suivre son propre rythme dans la roue de ses équipiers. Un groupe avec Quintana/Contador et Valverde s'est alors détaché. J'ai estimé la puissance étalon de Quintana à 443 watts étalon (6,5 w/kg) pendant 14min45s sur le bas de l'ascension (5,1 km à 8,65%). Froome s'est contenté de 425 watts étalon sur ce même tronçon (6,1 w/kg) et avait déjà un retard de 34s après 5,1 km. Plus haut dans la pente, le groupe Quintana a maintenu presque le même rythme à 448 watts étalon pendant 10min58s. En revanche Froome a accéléré à 460 watts étalon (6,64 w/kg) et réduit son retard à 17s après 8,5 km de montée. Sur la totalité du tronçon de 8,5 km, Quintana s'est maintenu à 446 watts étalon (6,55 w/kg) et Froome à 440 watts étalon (6,33 w/kg). Contador a réussi à suivre Quintana jusqu'au pointage des 8,5 km avant de faiblir et d'être dépassé par Froome en fin d'ascension. Avec les descentes en fin de parcours, il n'est pas possible d'estimer la puissance développée sur l'ensemble de la montée. Quintana et Froome n'ont pas faibli en haut de la montée. On peut considérer que ce qu'ils ont réalisé sur 25 minutes correspond à peu près à un effort maximal sur 30 minutes.
On retrouve un Quintana en grande forme comme en fin de Tour de France 2013 et 2015 et en fin de Giro 2014. Sa performance des lacs de Covadonga est du même calibre que sa montée de l'Alpe d'Huez 2015 (longue étape avec plusieurs cols, 6,37 w/kg pour 39min22s) ou du Semnoz en 2013 (étape courte, 6,5 w/kg pour 31min17s). Froome également apparaît proche de sa meilleure forme. Par exemple au Bettex au Dauphiné 2015, il avait développé 6,4 w/kg pour 29min d'effort. Froome a bien récupéré du Tour de France où il a surtout pris du temps lors des contre la montre. Il est probable qu'il ait couru « à l'économie » les étapes de montagnes en ligne du Tour en s'adaptant au niveau de ses adversaires.
Quintana et Contador ont escaladé la partie principale des lacs de Covadonga 1min16s plus lentement que le trio Tonkov/Zulle/Jalabert en 1997. Cela correspond à une différence de puissance de 7%. Tonkov par exemple faisait partie des meilleurs grimpeurs des années 90. Il a longtemps rivalisé avec Pantani sur le Giro 1998 en développant des puissances de « mutant ». Il faut aussi tenir compte de l'évolution des vélos depuis 1997. Quintana réalise une performance proche de celle de Mosquera (25min49s en 2010).
Le col d'Aubisque a été escaladé en fin d'une longue et difficile étape de montagne. Les coureurs abordaient le col après les ascensions de l'Inharpu, du Soudet et de Marie Blanque. La puissance peut être calculée avec précision sur la fin du col sur un tronçon de 10,45 km à 8,29% entre les altitudes 1040m et 1709m. La première partie de l'Aubisque reste assez roulante, les coureurs profitent de l'aspiration. Le record pour une distance de 10,45 km appartient à Michael Rasmussen avec un temps de 30min53s établi au Tour de France 2007 (422 watts étalon et 6,1 w/kg). Cette année, Talansky et Chaves ont été les plus rapides en 31min24s (412 watts étalon). Ils ont profité du marquage entre Quintana et Froome pour prendre les devants. Quintana et Froome se sont contentés de 404 watts étalon pendant 32min07s. Mais en raison d'un rythme irrégulier, la puissance calculée est sous évaluée puisque par hypothèse on suppose que le cycliste se déplace à vitesse constante.
Quintana a attaqué à 6 reprises mais n'a jamais réussi à distancer l'Anglais. Ses attaques ont été intenses mais entrecoupées de périodes de récupération effectuées à un rythme modéré. En divisant en 4 portions la montées de l'Aubisque, on obtient les résultats suivants pour Quintana :
Robert Gesink a devancé Kenny Elissonde pour la victoire d'étape. Ils ont escaladé les 10,45 km de l'Aubisque en respectivement 33min15s et 33min46s. Les puissances estimées pour ces deux coureurs sont 388 watts étalon (5,6 w/kg) et 381 watts étalon (5,7 w/kg). Cela reste de très bonnes performances au vu de la difficulté de l'étape et en étant échappé depuis le départ.
Chris Froome a aussi obtenu une nouvelle victoire au sommet de Pena Cabarga. Cela nous rappelle 2011 et son duel avec Cobo. Froome a même été plus rapide qu'en 2011 avec un temps de 17min02s, soit 13s de moins. Cependant la meilleure marque de Chris Horner (16min44s en 2013) n'a pas été effacée. Froome a développé l'équivalent de 477 watts étalon (6,85 w/kg) sur cette montée. Par comparaison sur cette durée d'effort, c'est mieux qu'à la Planche des Belles Filles (Tour de France 2012-6,75 w/kg).
En conclusion, Quintana est pour l'instant le coureur le plus impressionnant en montagne de ce Tour d'Espagne. S'il maintient sa condition jusqu'à l'arrivée à Madrid, on pourra affirmer qu'il aura accompli son meilleur grand Tour sur le plan athlétique depuis ses débuts professionnels.
Frédéric Portoleau
La route des lacs de Covadonga fait partie de l'histoire du Tour d'Espagne. Elle a été escaladé la première fois en 1983 avec la victoire de Marino Lejaretta devant Bernard Hinault.
Cette petite route des Asturies, dans le massif des pics d'Europe, a une pente sévère et irrégulière. Les coureurs doivent affronter depuis le point de départ, la basilique de Covadonga, un tronçon de 8,5 km à 9,18%. La pente est irrégulière par la suite avec de courtes descentes. Sur ce tronçon de 8,5 km, le record de la montée est détenu par le trio Tonkov/Zülle/Jalabert avec un temps de 24min29s établi en 1997. Cela représente une vitesse moyenne de 20,83 km/h et une puissance étalon de 478 watts (6,82 w/kg pour un coureur de 70 kg). Sur l'ensemble de la montée (12,8 km), Tonkov a le record avec un temps de 33min40s (1997). En 2001, le site d'arrivée a été déplacé et la nouvelle distance de référence est passée à 12,3 km. D'après le site climbing-records.com, le record sur cette distance est détenu par l'Italien Gilberto Simoni avec un temps de 32min22s (2002).
Cette année, en début d'ascension Chris Froome a préféré suivre son propre rythme dans la roue de ses équipiers. Un groupe avec Quintana/Contador et Valverde s'est alors détaché. J'ai estimé la puissance étalon de Quintana à 443 watts étalon (6,5 w/kg) pendant 14min45s sur le bas de l'ascension (5,1 km à 8,65%). Froome s'est contenté de 425 watts étalon sur ce même tronçon (6,1 w/kg) et avait déjà un retard de 34s après 5,1 km. Plus haut dans la pente, le groupe Quintana a maintenu presque le même rythme à 448 watts étalon pendant 10min58s. En revanche Froome a accéléré à 460 watts étalon (6,64 w/kg) et réduit son retard à 17s après 8,5 km de montée. Sur la totalité du tronçon de 8,5 km, Quintana s'est maintenu à 446 watts étalon (6,55 w/kg) et Froome à 440 watts étalon (6,33 w/kg). Contador a réussi à suivre Quintana jusqu'au pointage des 8,5 km avant de faiblir et d'être dépassé par Froome en fin d'ascension. Avec les descentes en fin de parcours, il n'est pas possible d'estimer la puissance développée sur l'ensemble de la montée. Quintana et Froome n'ont pas faibli en haut de la montée. On peut considérer que ce qu'ils ont réalisé sur 25 minutes correspond à peu près à un effort maximal sur 30 minutes.
On retrouve un Quintana en grande forme comme en fin de Tour de France 2013 et 2015 et en fin de Giro 2014. Sa performance des lacs de Covadonga est du même calibre que sa montée de l'Alpe d'Huez 2015 (longue étape avec plusieurs cols, 6,37 w/kg pour 39min22s) ou du Semnoz en 2013 (étape courte, 6,5 w/kg pour 31min17s). Froome également apparaît proche de sa meilleure forme. Par exemple au Bettex au Dauphiné 2015, il avait développé 6,4 w/kg pour 29min d'effort. Froome a bien récupéré du Tour de France où il a surtout pris du temps lors des contre la montre. Il est probable qu'il ait couru « à l'économie » les étapes de montagnes en ligne du Tour en s'adaptant au niveau de ses adversaires.
Quintana et Contador ont escaladé la partie principale des lacs de Covadonga 1min16s plus lentement que le trio Tonkov/Zulle/Jalabert en 1997. Cela correspond à une différence de puissance de 7%. Tonkov par exemple faisait partie des meilleurs grimpeurs des années 90. Il a longtemps rivalisé avec Pantani sur le Giro 1998 en développant des puissances de « mutant ». Il faut aussi tenir compte de l'évolution des vélos depuis 1997. Quintana réalise une performance proche de celle de Mosquera (25min49s en 2010).
Le col d'Aubisque a été escaladé en fin d'une longue et difficile étape de montagne. Les coureurs abordaient le col après les ascensions de l'Inharpu, du Soudet et de Marie Blanque. La puissance peut être calculée avec précision sur la fin du col sur un tronçon de 10,45 km à 8,29% entre les altitudes 1040m et 1709m. La première partie de l'Aubisque reste assez roulante, les coureurs profitent de l'aspiration. Le record pour une distance de 10,45 km appartient à Michael Rasmussen avec un temps de 30min53s établi au Tour de France 2007 (422 watts étalon et 6,1 w/kg). Cette année, Talansky et Chaves ont été les plus rapides en 31min24s (412 watts étalon). Ils ont profité du marquage entre Quintana et Froome pour prendre les devants. Quintana et Froome se sont contentés de 404 watts étalon pendant 32min07s. Mais en raison d'un rythme irrégulier, la puissance calculée est sous évaluée puisque par hypothèse on suppose que le cycliste se déplace à vitesse constante.
Quintana a attaqué à 6 reprises mais n'a jamais réussi à distancer l'Anglais. Ses attaques ont été intenses mais entrecoupées de périodes de récupération effectuées à un rythme modéré. En divisant en 4 portions la montées de l'Aubisque, on obtient les résultats suivants pour Quintana :
Robert Gesink a devancé Kenny Elissonde pour la victoire d'étape. Ils ont escaladé les 10,45 km de l'Aubisque en respectivement 33min15s et 33min46s. Les puissances estimées pour ces deux coureurs sont 388 watts étalon (5,6 w/kg) et 381 watts étalon (5,7 w/kg). Cela reste de très bonnes performances au vu de la difficulté de l'étape et en étant échappé depuis le départ.
Chris Froome a aussi obtenu une nouvelle victoire au sommet de Pena Cabarga. Cela nous rappelle 2011 et son duel avec Cobo. Froome a même été plus rapide qu'en 2011 avec un temps de 17min02s, soit 13s de moins. Cependant la meilleure marque de Chris Horner (16min44s en 2013) n'a pas été effacée. Froome a développé l'équivalent de 477 watts étalon (6,85 w/kg) sur cette montée. Par comparaison sur cette durée d'effort, c'est mieux qu'à la Planche des Belles Filles (Tour de France 2012-6,75 w/kg).
En conclusion, Quintana est pour l'instant le coureur le plus impressionnant en montagne de ce Tour d'Espagne. S'il maintient sa condition jusqu'à l'arrivée à Madrid, on pourra affirmer qu'il aura accompli son meilleur grand Tour sur le plan athlétique depuis ses débuts professionnels.
Frédéric Portoleau