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« La dissuasion n'affecte pas l'irréductible Italien » par Antoine Vayer
20-07-2014, 16:42 - Antoine Vayer
2e article de la chronique d'Antoine Vayer sur le Tour 2014 pour Le Monde, publié le 19/07/2014, après l'étape de Chamrousse :
Oui ou non, le peloton du Tour est-il purifié ? Jamais la pression des gendarmes, des douanes et des contrôleurs, sous la baguette de l'Agence française de lutte contre le dopage, n'a été aussi forte. Les coureurs de la nouvelle génération ne râlent plus quand on leur prélève du sang au petit matin. Ils y trouvent même un intérêt pour valider une hiérarchie due à leur talent.
La surveillance des variations hématologiques via le passeport biologique rassure certains, fait peur à d'autres. Beaucoup, depuis le départ « serrent les fesses », comme on dit dans le milieu, en même temps que leur « moteur », dès qu'il a développé une puissance de 390 watts, là où il était encore débridé à 410 watts (le seuil des performances suspectes) sur le Tour 2013.
En analysant les performances sur la première étape de haute montagne, on constate qu'au sommet du premier vrai col du Tour (toujours un excellent témoin), ce qui restait du peloton (80 coureurs) est à des années lumières de la planète où il évoluait auparavant. Le col de Palaquit, (9,2 km à 7,66%) a été monté en 30'10 à 350 watts, soit 30 watts en dessous du traditionnel hors-d'oeuvre.
La montée finale vers Chamrousse (18,2 km à 7,3%) a donné un verdict tout aussi étonnant qu'enivrant, si on considère les avancées du recul du dopage. Avec une brise légère montante et favorable à 5 km/h qui lui donnait un avantage de cinq watts pendant la moitié de l'ascension, le Français Thibaut Pinot a réalisé en 50'56 et 396 watts, le cinquième temps de cette montée 2014. Loin du record établi, contre-la-montre par Lance Armstrong, en 47 min 46 s et 440 watts miraculeux. C'était en 2001.
LES DOIGTS DANS LE NEZ
Il y a dix ans, Jean-Christophe Péraud, lui, était vététiste amateur. Il préparait les Jeux olympiques d'Athènes et passait des tests dans un laboratoire de médecine du sport, à Laval. Le Français affichait une V02 max (la « cylindrée » physiologique) exceptionnelle à 85 ml/mn/kg et un rendement en watts impressionnant qui, dans un monde sans dopage, auraient dû faire de lui un vainqueur du Tour. Il est passé professionnel sur route sur le tard. Ses paramètres physiologiques et sanguins n'ont pas varié. A 37 ans, il est aujourd'hui 6e au général.
Malgré les avancées technologiques et des techniques d'entraînement, le rendement moyen 2014 du peloton en watts est l'équivalent de celui des années 1980, avant le dopage « lourd », et de Péraud. C'est sain. Sauf pour Vincenzo Nibali. Le coureur est resté moderne. C'est le seul à ne pas avoir subi d'infléchissement de ses performances.
Les watts mesurent la puissance de la tricherie. Apparemment, cette dissuasion n'affecte pas l'irréductible italien, vainqueur à Chamrousse les doigts dans le nez. Avec un temps de 50'03, il se classe au 8e rang des recordmen de l'ascension de Chamrousse, certes loin du Boss Armstrong mais bien devant son mentor kazakhe Alexandre Vinokourov (50'42 en 2001), qui trébuchera quelques années plus tard pour abus de transfusion.
Sans stigmate de fatigue, le maillot jaune a semblé, comme dans le col de la Planche des Belles Filles, quatre jours plus tôt, s'ennuyer des défections de Froome et Contador. Avec une simple accélération à 414 watts dans la deuxième moitié du col, après cinq heures d'effort, il s'est retenu d'appuyer sur l'acélérateur, tant il dominait. Nibali a promis, s'il gagne le Tour, d'offrir un maillot jaune à Tonina, la mère de Marco Pantani, mort d'overdose il y a dix ans. Jean-Christophe Péraud, si par miracle il gagnait, n'offrirait pas le paletot à Linda, la mère de Lance Armstrong.
Oui ou non, le peloton du Tour est-il purifié ? Jamais la pression des gendarmes, des douanes et des contrôleurs, sous la baguette de l'Agence française de lutte contre le dopage, n'a été aussi forte. Les coureurs de la nouvelle génération ne râlent plus quand on leur prélève du sang au petit matin. Ils y trouvent même un intérêt pour valider une hiérarchie due à leur talent.
La surveillance des variations hématologiques via le passeport biologique rassure certains, fait peur à d'autres. Beaucoup, depuis le départ « serrent les fesses », comme on dit dans le milieu, en même temps que leur « moteur », dès qu'il a développé une puissance de 390 watts, là où il était encore débridé à 410 watts (le seuil des performances suspectes) sur le Tour 2013.
En analysant les performances sur la première étape de haute montagne, on constate qu'au sommet du premier vrai col du Tour (toujours un excellent témoin), ce qui restait du peloton (80 coureurs) est à des années lumières de la planète où il évoluait auparavant. Le col de Palaquit, (9,2 km à 7,66%) a été monté en 30'10 à 350 watts, soit 30 watts en dessous du traditionnel hors-d'oeuvre.
La montée finale vers Chamrousse (18,2 km à 7,3%) a donné un verdict tout aussi étonnant qu'enivrant, si on considère les avancées du recul du dopage. Avec une brise légère montante et favorable à 5 km/h qui lui donnait un avantage de cinq watts pendant la moitié de l'ascension, le Français Thibaut Pinot a réalisé en 50'56 et 396 watts, le cinquième temps de cette montée 2014. Loin du record établi, contre-la-montre par Lance Armstrong, en 47 min 46 s et 440 watts miraculeux. C'était en 2001.
LES DOIGTS DANS LE NEZ
Il y a dix ans, Jean-Christophe Péraud, lui, était vététiste amateur. Il préparait les Jeux olympiques d'Athènes et passait des tests dans un laboratoire de médecine du sport, à Laval. Le Français affichait une V02 max (la « cylindrée » physiologique) exceptionnelle à 85 ml/mn/kg et un rendement en watts impressionnant qui, dans un monde sans dopage, auraient dû faire de lui un vainqueur du Tour. Il est passé professionnel sur route sur le tard. Ses paramètres physiologiques et sanguins n'ont pas varié. A 37 ans, il est aujourd'hui 6e au général.
Malgré les avancées technologiques et des techniques d'entraînement, le rendement moyen 2014 du peloton en watts est l'équivalent de celui des années 1980, avant le dopage « lourd », et de Péraud. C'est sain. Sauf pour Vincenzo Nibali. Le coureur est resté moderne. C'est le seul à ne pas avoir subi d'infléchissement de ses performances.
Les watts mesurent la puissance de la tricherie. Apparemment, cette dissuasion n'affecte pas l'irréductible italien, vainqueur à Chamrousse les doigts dans le nez. Avec un temps de 50'03, il se classe au 8e rang des recordmen de l'ascension de Chamrousse, certes loin du Boss Armstrong mais bien devant son mentor kazakhe Alexandre Vinokourov (50'42 en 2001), qui trébuchera quelques années plus tard pour abus de transfusion.
Sans stigmate de fatigue, le maillot jaune a semblé, comme dans le col de la Planche des Belles Filles, quatre jours plus tôt, s'ennuyer des défections de Froome et Contador. Avec une simple accélération à 414 watts dans la deuxième moitié du col, après cinq heures d'effort, il s'est retenu d'appuyer sur l'acélérateur, tant il dominait. Nibali a promis, s'il gagne le Tour, d'offrir un maillot jaune à Tonina, la mère de Marco Pantani, mort d'overdose il y a dix ans. Jean-Christophe Péraud, si par miracle il gagnait, n'offrirait pas le paletot à Linda, la mère de Lance Armstrong.