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[GIRO2021 - 2ème partie] Le GIRO de 4 coureurs passé au crible. Par Frédéric Portoleau

05-06-2021, 19:23 - Frédéric Portoleau

La première partie de notre chronique du Giro 2021, écrite par Atoine Vayer, est accessible ici !

1 / CARUSO, monsieur + 5%

A presque 34 ans, Damiano Caruso termine le Tour d'Italie à une surprenante 2ème place, son meilleur résultat dans un grand tour depuis le début de sa carrière. Avec le statut de leader protégé, il avait déjà terminé 8ème de son tour national en 2015 et 9ème du Tour d'Espagne 2014. Il avait aussi finit 10ème du Tour de France 2020 en étant au service de Mikel Landa chez Bahrain Victorious. Caruso a toujours été un bon coureur de grand tour, avec de bonnes qualités de récupération. A son aise sur tous les terrains, il a cependant toujours été un cran en-dessous du meilleur niveau mondial.

Sur le Giro 2021, sa puissance moyenne étalon est de 415 watts sur les 5 ascensions répertoriées avec des durées d'ascension de 33 minutes en moyenne. Il s'agit de sa meilleure performance sur un grand tour sur les derniers cols des étapes de montagne depuis ses débuts professionnels, et de loin. De plus, les conditions météo ont été difficiles pour les coureurs cette année avec de nombreuses étapes disputées sous la pluie ou avec du froid en montagne. Caruso a été très régulier pendant les 3 semaines de course. Ce qui saute aux yeux également, c'est son âge en 2021. Une telle progression après 30 ans alors qu'il y a longtemps qu'il court dans des équipes World Tour laisse songeur. Par comparaison, alors qu'il était aussi leader protégé, il avait réalisé 397 watts étalon sur le Tour d'Espagne 2014, 393 watts étalon sur le Tour d'Italie 2015 et 384 watts sur le Tour de France 2017. Dans une situation de lieutenant de Landa, il avait développé 399 watts étalon sur le Tour de France 2020. Les durées d'ascension étaient entre 29 et 37 minutes pour les épreuves citées. L'altitude a fait baisser légèrement la puissance moyenne sur le Tour de France 2017. On peut alors considérer qu'il n'a jamais été capable de dépasser les 400 watts de moyenne sur les derniers cols avant 2021.



Ses principales performances par col sont visibles dans le graphique suivant. Caruso semble être dans une très bonne année 2021 avec une remarquable performance réalisée dès le mois de mars sur Tirreno Adriatico sur la montée de Prati di Tivo. Sa montée de l'Alpe di Mera sur le Giro apparaît comme la performance la plus haute en w/kg sur son profil de puissance (presque 6.3 w/kg sur 30 minutes si 67 kg). Les conditions de courses étaient favorables pour développer de la puissance : course de côte avec une arrivée vers 1500m, profil de l'étape relativement facile et bonnes conditions météo. Néanmoins elle a été faite en 3ème semaine quand la fatigue doit se faire sentir.

Auparavant, pour des montées de 25 à 30 minutes, il avait réalisé en 2020 des performances de haut niveau au col de Peyresourde sur le Tour de France, à Campitelo Matese sur le Giro 2015 et à Villars sur Ollon au tour de Suisse 2017. Cependant, ces 3 performances restent environ 10 watts en dessous de ce qu'il a pu développer à l'Alpe di Mera en 2021 !



2 / YATES, un rival ponctuel pour POGACAR

Le Britannique Simon Yates a donc alterné le bon et le moins bon sur ce Tour d'Italie. Il a manqué de constance pour viser la victoire finale et Egan Bernal l'a largement dominé durant les deux premières semaines sur des parcours vallonnés ou de moyenne montagne.

Sur le Giro 2021, sa puissance moyenne étalon est de 414 watts sur les 5 ascensions répertoriées. Il s'agit d'une grande performance globale sur un grand tour pour des durées d'ascension de 33 minutes en moyenne. C'est également son meilleur grand tour après son Tour d'Espagne victorieux de 2018 (436 watts étalon mais sur des ascensions 10 minutes plus courtes en moyenne).

Comme le montre le graphique suivant, Simon Yates est dans une grande année 2021. Il fut particulièrement impressionnant sur Tirreno Adriatico en début de saison. Sa montée de l'Alpe di Mera sur ce Giro apparaît comme une des plus belles performances de sa carrière. Dans ses bons jours, il est un des rares à pouvoir rivaliser avec Tadej Pogacar.



3 / BARDET, le Français de service performant mais dépassé

Romain Bardet, 7ème du Tour d'Italie, a développé en moyenne 404 watts étalon sur les derniers cols des étapes. C'est son meilleur grand Tour depuis 2018 (6ème du Tour de France avec 407 watts étalon). Le sommet de sa carrière reste le Tour de France 2016 (2ème avec 418 watts étalon).

Sur le Tour de France 2020, il fut très performant dans les Pyrénées avant de chuter dans l'étape du Massif Central et d'être contraint à l'abandon. A 30 ans, il se maintient encore en très bonne condition mais le niveau des meilleurs mondiaux (Pogacar, Roglic, Bernal, S.Yates) est plus élevé aujourd'hui qu'en 2016-2017 quand il pouvait terminer sur le podium du Tour de France. Pour illustrer cette augmentation du niveau de certains coureurs, comparons le Tour de France 2017 avec le Giro 2021. Romain Bardet a été assez largement devancé sur ce Giro 2021 par Damiano Caruso (11 watts étalon de moins sur les derniers cols). Sur le Tour de France 2017, la situation était inversée avec 23 watts de moins pour l'Italien.



Il a obtenu de belles places sur les étapes de Cortina d'Ampezzo (2ème) et de l'Alpe di Motta (4ème). Il a aussi été performant au Zoncolan et à l'Alpe di Mera. Mais il a manqué de régularité pour mieux figurer au classement général, notamment à Montalcino et à Sega di Ala où il a concédé pas mal de temps .

Comme le montre le graphique suivant, Romain Bardet aurait battu ses records de watts en 2021 pour des montées de 35/40 minutes, respectivement à Prati di Tivo et au Zoncolan. Ses meilleures performances dateraient du Tour de France 2016.



4 / BERNAL confirme, plus fort que lors de son Tour de France victorieux en 2019

A 24 ans, Egan Bernal remporte son premier Tour d'Italie. Après une saison 2020 en demi-teinte, il revient sur le devant de la scène.

En début de Tour d'Italie, Bernal exploite toutes les étapes vallonnées pour prendre du temps à ses adversaires. Il se montre le plus fort des favoris, à Sestola, à San Giacomo, à Rocca di Cambio (vainqueur d'étape et prise du maillot rose) et à Montalcino. Le jeune Belge Remco Evenepoel effectue un remarquable début d'épreuve avant de céder plus de 2 minutes à Bernal sur les routes blanches lors de la 11ème étape menant à Montalcino. Au soir de cette 11ème étape, Bernal est leader du classement général avec 45sec d'avance sur Vlasov, 1min12sec sur Caruso, 1min17sec sur Carthy et 1min22sec sur S. Yates. Romain Bardet est déjà 12ème à 3min29sec. J'ai relevé pour Bernal, en première partie de Giro, avant l'ascension des grands cols, un effort de 431 watts étalon pendant 14min02s sur le colle Passerino (étape de Sestola) et un autre à 436 watts étalon pendant 12min28sec en fin d'ascension à San Giacomo.



Le duel S.Yates / Bernal tourne encore à l'avantage du Colombien sur les forts pourcentages du Monte Zoncolan. Bernal distance Yates de 11sec et escalade les 3 derniers kilomètres en 11min49sec à une puissance étalon moyenne de 450 watts (6.6 w/kg si 58 kg). Sur cette portion finale, à plus de 12% de pente moyenne, il fait même mieux que Gilberto Simoni en 2003 (12min12sec). Ce dernier était capable de développer l'équivalent de 453 watts étalon pendant 24min16sec à l'Alpe di Pampeago deux jours plus tard et il bénéficiait déjà d'un vélo de moins de 7 kg avec un braquet adapté (38x28). Simoni faisait partie des meilleurs grimpeurs des années Armstrong. Sur l'ensemble de la montée du Zoncolan (13,13 km à 8.84%), Bernal réalise le meilleur temps en 40min04sec (19.66 km/h). Sa puissance moyenne étalon est de 423 watts (6.2 w/kg si 58 kg).

Le Colombien poursuit sa domination 2 jours plus tard. Il attaque encore et s'en va seul dans la montée du Passo Giau pour remporter une deuxième victoire d'étape à Cortina d'Ampezzo.

Il développe l'équivalent de 409 watts étalon (6 w/kg si 58 kg) pendant 32min44sec sur les 9.9 km à 9.32% du Passo Giau (2236m). La performance est de haut niveau et se rapproche de sa montée du col de l'Iseran sur le Tour de France 2019 (398 watts étalon mais 500m plus haut en altitude). Cette année-là, Bernal ne savait pas qu'il s'agissait de la dernière ascension du jour et devait garder des forces pour la dernière montée vers Tignes. Romain Bardet, 2ème, réalise une belle étape. Il passe en troisième position au sommet du Passo Giau à 1min13sec de Bernal avec 393 watts étalon (5.65 w/kg si 65 kg) pendant 33min57sec.

Au lendemain de la deuxième journée de repos, Bernal apparaît pour la première fois en difficulté. Il concède 53sec à S.Yates et 1min10sec à Almeida sur la rude montée de Sega di Ala (11.5 km à 9.55%). Almeida est le plus rapide en 38min07sec avec une puissance moyenne étalon de 419 watts tandis que Bernal se contente de 405 watts étalon. Membre de l'échappée, Dan Martin remporte l'étape après une belle ascension à 405 watts étalon pendant 39min21s (5.85 w/kg si 63 kg). Il conserve 13s d'avance sur la ligne d'arrivée sur Almeida.

Egan Bernal se ressaisit lors des deux dernières étapes de montagne. Il résiste bien à S.Yates dans la montée de l'Alpe di Mera et contrôle l'offensive lointaine de Damiano Caruso et de Romain Bardet sur la route de l'Alpe di Motta. Simon Yates réalise une grande performance sur l'ascension de l'Alpe di Mera (9.58 km à 9.12%). Il développe l'équivalent de 450 watts étalon (6.6 w/kg si 59 kg) pendant 28min40sec. Certes, le profil de l'étape est relativement facile avec de bonnes conditions météo, l'arrivée se situe à seulement 1531m d'altitude, mais l'étape se déroule sur un rythme rapide et les coureurs ont presque 3 semaines de course dans les jambes. La performance est donc exceptionnelle. De nos jours, seul le dernier vainqueur du Tour de France, Tadej Pogacar peut faire mieux, comme au col de Peyresourde sur le Tour de France 2020 (462 watts étalon pendant 26min32sec). Bernal perd 28sec et développe l'équivalent de 439 watts étalon (6.45 w/kg si 58 kg) pendant 29min08sec.

Caruso remporte la dernière étape de montagne. L'Italien se glisse dans la bonne échappée avec son coéquipier Bilbao dans la descente du Passo di San Bernardino à 50 km de l'arrivée. Romain Bardet figure aussi dans cette offensive avec 2 coéquipiers. L'équipe Ineos mène la poursuite pendant de nombreux kilomètres mais ne pourra jamais reprendre Caruso. Ce dernier conserve 24sec d'avance sur la ligne d'arrivée sur Bernal et 35sec sur Martinez et Bardet. Bernal est le plus rapide sur la dernière ascension vers l'Alpe di Motta. Il développe l'équivalent de 419 watts étalon (6.15 w/kg si 58 kg) pendant 22min39s. Le rythme intense de l'étape a certainement diminué les réserves disponibles pour cette dernière montée.

Egan Bernal réalise dans l'ensemble son meilleur grand Tour. Sa puissance moyenne étalon est de 419 watts pour 5 ascensions en fin d'étape. La durée moyenne des ascensions est de 32min46sec.

Le profil de puissance de Bernal ci-dessous montre que le Colombien est très certainement revenu à son meilleur niveau pour des efforts supérieurs à 20 minutes en montée. Le Zoncolan, le Passo Giau et l'Alpe di Mera sont ses meilleures performances dans les cols du Giro. Au vu de son début de Giro, il est possible qu'il ait progressé sur les efforts courts de quelques minutes.



Frédéric Portoleau


Après le Giro ?

Les principaux acteurs de ce GIRO ne seront pas sur le Tour de France. Avec Fréderic Portoleau, Antoine Vayer, chronoswatts.com et cyclisme-dopage.com, nous y serons pour une couverture de l'évènement alternative. Nous vous livrerons des chroniques quasi quotidiennes avec des rubriques nouvelles et des intervenants invités qui promettent.

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