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Le récap du Tour 2019, par Frédéric Portoleau

15-08-2019, 10:42 - Frédéric Portoleau

À 22 ans seulement, Egan Bernal vient de remporter le Tour de France. C'est sur la route de Tignes lors de l'ascension du col de l'Iseran, qu'il a définitivement dépossédé Julian Alaphilippe du maillot jaune. Bernal a attaqué à un peu plus de 5 km du sommet et personne n'a pu le suivre. Le Colombien a gravi le col de l'Iseran depuis Bonneval sur Arc en 35min35s (12,9 km à 7,4%). Sa puissance moyenne étalon estimée est de 398 watts (5,85 w/kg si 58 kg). Thomas, Buchmann, Landa et Kruijswijk ont perdu 58s avec une puissance moyenne étalon de 383 watts (de 5,45 à 5,6 w/kg). Alaphilippe, pour sa part, a concédé 2min05s avec 373 watts étalon (5,4 w/kg si 62 kg).


Les équipiers de Bernal ont imposé un rythme soutenu dès les premiers pourcentages après Bonneval sur Arc. La première partie du col (6,45km à 7,24%) a été gravie en 17min47s, soit 391 watts étalon et 5,7 w/kg pour Bernal. Sur la fin de la montée, au dessus de 2300m, Bernal a développé l'équivalent de 408 watts étalon (5,95 w/kg si 58 kg) pendant 17min55s. Cette performance de Bernal à une altitude moyenne de 2285m apparaît d'un très bon niveau mais inférieure à celle de Quintana en fin d'étape en 2018 sur le col de Portet. Bernal a en effet gravi cette ascension comme s'il y avait encore 37,5 km à parcourir après le sommet du col, sans savoir que la course allait être arrêtée à Val d'Isère (route impraticable à la suite de fortes chutes de grêle). Il n'était donc probablement pas au maximum de son potentiel et devait garder quelques réserves pour la montée finale de Tignes.

La veille, en direction de Valloire, le Colombien avait déjà attaqué à proximité du sommet du Galibier. Le vainqueur du Tour de France 2019 y a produit, à 2500m d'altitude, un effort assez exceptionnel de 7min47s à 452 watts étalon (6,7 w/kg si 58 kg). Il a repris 24s à Thibaut Pinot et 44s à Julian Alaphilippe en seulement 3,2 km. L'étape était longue et en cours d'étape, le col d'Izoard fut gravi assez rapidement avec un bloc de 20 minutes à 392 watts étalon (5,75 w/kg si 58 kg). En revanche, le Galibier depuis la route du Lautaret avant l'attaque de Bernal ne fut pas escaladé sur un rythme très intense (359 watts étalon, 5,3 w/kg si 58 kg).

Le lendemain de l'étape de l'Iseran, sur une étape très courte, amputée de l'ascension du Cormet de Roselend, Bernal s'est contenté d'assurer l'essentiel et de suivre ses principaux concurrents. Sur la fin de la montée de Val Thorens (tronçon de 8,1 km à 6,7% avant la dernière descente), le rythme a tout de même été très intense avec 419 watts étalon pour Bernal (6,2 w/kg si 58 kg) pendant 19min58s. L'équipe Lotto était à l'origine de ce rythme soutenu dans le but de mettre en difficulté Julian Alaphilippe et de placer Steven Kruijswijk sur le podium.

Le profil de puissance établi à partir des différentes estimations montre que les performances réalisées par Bernal sur le Tour de France 2019 sont d'un niveau relativement attendu par rapport aux autres montées de col réalisées depuis 2016. Alors qu'il n'était pas le plus fort, la Planche des Belles Filles, Prat d'Albis et le Tourmalet sont ses meilleures performances sur le Tour de France 2019. En moyenne étalon, Bernal est au même niveau que sur le Tour de France 2018 avec 406 watts. Mais cette année l'altitude des cols Alpins en fin d'étape (Galibier, Iseran et Val Thorens) font baisser la moyenne. De plus, avec la présence jusqu'au bout de l'épreuve de Thibaut Pinot à 100% de ses moyens, Bernal aurait certainement développé plus de puissance dans les Alpes.

Profils de puissance d'Egan Bernal :


Thibaut Pinot fut pour sa part le plus efficace dans les Pyrénées avec une victoire au sommet du Tourmalet et une grande performance au Prat d'Albis. Sur cette montée inédite de 10,7 km à 7,18%, il distance tous les favoris, sauf Bernal, à 6,5 km du sommet. Il escalade l'ascension en 27min07s depuis la sortie de Foix. Sa puissance moyenne étalon est de 445 watts (6,35 w/kg si 67 kg). Cette performance est similaire à celle des lacs de Covadonga (#15 - Tour d'Espagne 2018) où Thibaut Pinot l'avait emporté devant Lopez, Simon Yates et Valverde. Bernal concède 18s à l'arrivée (432 watts étalon et 6,35 w/kg si 58 kg) et Julian Alaphilippe 1min16s (417 watts étalon, 6,05 w/kg si 62 kg). La veille, le Franc-Comtois avait patienté jusqu'au dernier km du sommet du Tourmalet avant d'accélérer. Sa puissance moyenne étalon a été de 407 watts (5,85 w/kg si 67 kg) pour un effort de 51min15s. Avant sa blessure à la cuisse, Pinot a confirmé sur ce Tour de France ses progrès entrevus sur le Tour d'Espagne 2018. Dans ses meilleurs jours, il peut rivaliser avec les meilleurs grimpeurs du peloton.

Julian Alaphilippe a réalisé un Tour de France exceptionnel pendant les 12 premiers jours pour se retrouver avec une avance de 2min02s au classement général sur le vainqueur sortant Geraint Thomas. Ce qu'il a réalisé est d'un niveau athlétique supérieur à la performance de Thomas Voeckler sur le Tour de France 2011. Ce dernier avait bénéficié d'une échappée de baroudeur sur la route de Saint-Flour pour prendre le maillot jaune. En répétant cette performance, Alaphilippe pourrait remporter Paris-Nice, le Dauphiné ou le Tour de Suisse. En plus de la planche des Belles Filles (voir article précédent), il réalisa une très bonne montée du Tourmalet avec une puissance moyenne étalon de 406 watts pour 51min21s d'effort (5,9 w/kg si 62 kg).

D'après le profil de puissance, cette dernière performance semble inhabituelle pour lui pour une telle durée et à plus de 2000m. La planche des Belles Filles constitue aussi sa meilleure marque pour un effort en côte de 20 minutes. Sa performance de Prat d'Albis semble en revanche plus proche de ce qu'il a déjà réalisé en montagne comme à Valmorel au Dauphiné 2018 : 31min58s à 6,1 w/kg.


Nairo Quintana puis Vicenzo Nibali ont réalisé deux très bonnes performances pour l'emporter respectivement à Valloire et à Val Thorens. Le Colombien a réalisé le meilleur temps sur la montée du Galibier, versant sud depuis le Lautaret, en 22min22s. Sa puissance moyenne étalon est de 411 watts (6,1 w/kg si 57 kg). Il s'agit d'une performance équivalente à celle de Contador sur le final de l'autre versant du Galibier en 2007. Quintana était certes présent dans le groupe d'échappée, mais il a conservé de l'énergie en prenant peu de relais (ses équipiers ont travaillé pour lui). Nibali a résisté seul devant sur le final de la montée de Val Thorens avec un bloc de 20min30s à 423 watts étalon (6,15 w/kg si 63 kg).

Steven Kruijswijk a terminé pour la première fois sur le podium d'un grand Tour. Il a montré une belle régularité en montagne et son équipe fut très performante sur tous les terrains. Geraint Thomas a réalisé sa meilleure performance en montagne sur la Planche des Belles-Filles (voir article précédent). Puis il a été régulièrement devancé, en interne chez Ineos, par son coéquipier Egan Bernal. Il ne pouvait donc plus prétendre à un rôle de leader.

Il ne faut pas oublier la performance de Thomas De Gendt sur l'étape vallonnée de Saint Etienne. Le Belge a développé une puissance moyenne de 317 watts (4,53 w/kg) pour une durée de 5h (Voir le lien Strava). Il termine fort et produit 455 watts (6,55 w/kg) pendant 4min54s sur la dernière côte, la Jaillière, celle où Alaphilippe et Pinot attaquent. Il est difficile de comparer cette performance avec les ascensions de cols mais elle me semble assez exceptionnelle.

Le Tour de France 2019 laisse tout de même un goût d'inachevé avec l'abandon de Thibaut Pinot (le duel avec Egan Bernal en montagne a juste été entamé) et aussi en raison du raccourcissement des deux dernières étapes de montagne dans les Alpes (mauvaises conditions météo).

Frédéric Portoleau